Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

14 août, 2009

Pour une vraie réforme du système financier

André Dorais

Les gouvernements parlent de réformer le «système financier», mais à quoi doit-on s’attendre? S’ils croient vraiment ce qu’ils disent, à savoir que le capitalisme est coupable de la crise économique, alors les réformes pourraient être importantes, mais certainement pas pour le mieux. Si, par contre, ils accusent le capitalisme uniquement pour détourner l’attention, question de bien paraître devant leur électorat, alors on ne devrait obtenir que des réformettes. Ce qui serait souhaitable, cependant, est une réforme digne de ce nom qui attaque le cœur du problème, soit le monopole d’État sur la monnaie.

Ce monopole consiste essentiellement à imposer un type de monnaie à l’exclusion des autres, à réglementer et à contrôler sa production. Bien qu’il n’y ait qu’un seul type de monnaie accepté par l’État, celle-ci se présente sous trois formes différentes : billets, pièces et monnaie virtuelle. En effet, la plus grande partie de la masse monétaire (totalité de la monnaie) n’a aucune forme tangible puisque les billets et les pièces n’en constituent qu’une infime partie. Elle se présente sous forme de simple écriture comptable. Cette intangibilité de la monnaie permet à l’État de la multiplier à volonté, ce qui n’est pas sans conséquence.

La méthode privilégiée par la banque centrale pour ajouter de la monnaie dans les marchés est d’acheter les actifs des banques à l’aide d’argent neuf intangible, c’est-à-dire par transfert électronique de fonds. Le processus de création monétaire ne s’arrête pas là, il se poursuit de la façon suivante : ayant maintenant plus d’argent dans leurs comptes, les banques sont en mesure d’en prêter davantage et d’autant plus que l’État les encourage, par voie réglementaire, à en créer à leur tour en effectuant davantage de prêt qu’elles ont d’argent dans leurs comptes. La monnaie (ou l’argent) créée par les banques commerciales vient donc accompagnée de dettes.

Ce processus de création monétaire est suffisamment complexe pour endormir à peu près tout le monde, de sorte qu’il reçoit peu de critique. Mieux encore, lorsqu’il y a critiques, elles s’adressent presque exclusivement aux banques, ou à quelques financiers qui y travaillent, plutôt qu’à l’État qui l’a mis en place. En d’autres mots, l’État en tire les avantages sans les inconvénients. Ce qui est parfait pour lui, cependant, ne l’est pas nécessairement pour la population.

Pourquoi le monopole sur la monnaie est néfaste à la création de richesse

Un objet convoité, produit avec plus de facilité, constitue généralement un bienfait pour tout le monde, mais ce n’est pas le cas de la monnaie. En effet, que l’on double ou l’on triple sa quantité, la richesse globale n’augmente pas pour autant, seule sa valeur nominale augmente. Il s’ensuit qu’il faut plus d’argent pour acheter les mêmes produits, car leurs prix s’ajustent à la hausse pour tenir compte de cette augmentation. C’est uniquement dans la mesure où l’on peut tirer avantage des délais d’ajustement qu’on peut tirer profit de ce système. Ceux qui ont le plus de chance à cet égard sont ceux qui reçoivent l’argent en premier, soit généralement les banques et évidemment les gouvernements qui le mettent en circulation.

Les banques reçoivent l’argent en premier non pas parce qu’elles sont plus habiles que les autres agents économiques, mais parce que l’État le veut ainsi. Elles lui sont indispensables pour financer sa dette via l’inflation qu’il contrôle. Ces avantages, que l’État et les banques privilégiées par lui tirent de ce système, s’établissent sur le dos des autres agents économiques, soit parce que ces agents tardent à ajuster leurs prix à la hausse, soit parce qu’ils ne sont pas en mesure de le faire.

Une monnaie que l’on peut créer à volonté est non seulement propice aux abus et à la «spéculation», mais elle constitue elle-même un abus, et non le moindre : elle vole subrepticement les gens en dévaluant leur monnaie. Le problème n’est pas tant la facilité à produire de la monnaie que d’en produire sur une base erronée et sans en réaliser les conséquences néfastes. La plupart des économistes se contentent de croire qu’une augmentation de la quantité de monnaie peut «stimuler» l’économie dans la mesure où elle ne ravive pas à la hausse l’indice des prix à la consommation. Autrement dit, si la nouvelle monnaie se traduit par la hausse des prix des maisons ou des marchés boursiers, tout en maintenant stables les prix des biens de consommation, alors ils considèrent que les politiques monétaires sont bonnes.

Leur raisonnement est le suivant : puisque tout investissement vise en dernier lieu la consommation, il suffit de porter attention à celle-ci pour identifier l’inflation telle qu’ils la conçoivent, soit une hausse moyenne des prix des biens de consommation. Définir l’inflation de cette manière, cependant, revient à la regarder du mauvais bout de la lorgnette, soit considérer l’effet pour la cause et réduire passablement son champ de vision. La considérer uniquement comme une hausse moyenne des prix des biens de consommation omet de préciser que la monnaie voit le jour en affectant d’abord les prix des produits par lesquels elle transite, soit ceux qu’on retrouve dans les marchés des capitaux et dans les secteurs de la production. Pour la majorité des économistes, cependant, il ne s’agit pas d’une omission puisqu’ils expliquent cette hausse par l’appât du gain.

Pour eux, la monnaie est neutre, c’est-à-dire que sa création n’a pas d’effet secondaire. Oui ils conçoivent que la monnaie puisse avoir des répercussions sur les prix des biens de consommation, mais le plus souvent ils en attribuent la hausse aux différents agents économiques, les pétrolières en tête de liste. Leurs explications du cycle économique sont aussi simples, soit l’appât du gain des spéculateurs, d’où leurs appels à contraindre les activités de ces derniers et à plafonner leurs rémunérations. La majorité des politiciens et de la population ne pensent pas autrement.

Si telle est la cause des cycles ou des crises économiques, c’est que l’on croit qu’il existe un taux raisonnable de profit, mais quel est-il? 5%? 10%? 18,2%? Qui le détermine et comment? À en croire cette explication, un cycle économique est haussier tant et aussi longtemps qu’un seuil, mystérieux mais raisonnable, n’est pas dépassé. À l’inverse, dès lors que ce seuil est franchi, alors les forces du mal l’emportent et un cycle baissier commence. Cette explication relève davantage des croyances que de la science. Lorsqu’on envisage des réformes sur la base d’un système dont on ne comprend pas le fonctionnement, il est difficile d’être optimiste quant à leurs résultats.

Il ne vient pas à l’esprit de ces gens de remettre en question la quantité inouïe de monnaie mise en circulation comme cause de ces cycles pour deux raisons. La première est qu’ils considèrent la hausse de l’indice des prix à la consommation comme étant l’inflation elle-même, de sorte que lorsque celui-ci est relativement stable, comme c’est le cas présentement, ils concluent que l’ajout de monnaie ne cause pas de problème. La seconde raison est que pareille remise en question bouscule trop leur compréhension et leurs croyances en l’État.

La monnaie additionnelle mise en circulation se retrouve partout, pas uniquement dans les biens répertoriés par les indices d’inflation. Elle incite les investisseurs et les spéculateurs à prendre plus de risque et les financiers à offrir des produits qui répondent à cette demande. Non seulement est-elle la cause principale des cycles économiques, mais elle constitue une grave injustice puisqu’elle redistribue subrepticement les richesses, et plus souvent aux riches qu’aux pauvres.

Toute distribution des richesses allant à l’encontre de la liberté de disposer de ses biens est condamnable, car elle ne procède pas de l’accord de chaque individu. Cependant, celle effectuée via l’inflation l’est davantage, car elle redistribue les richesses sans l’accord de personne. Pis encore, elle réduit la richesse globale, car les plans de chacun pour la maintenir ou l’augmenter ne sont pas confiscables aussi facilement. Autrement dit, l’État peut confisquer l’argent d’autrui, mais il ne peut aussi facilement confisquer leurs idées et leur savoir faire pour produire de la richesse.

Les solutions non envisagées

Il n’y a pas trente et un moyens de régler cette injustice, incomparablement supérieure à tous les Madoff, Jones et Lacroix de ce monde. Le coupable doit être écarté du monde civilisé, c’est-à-dire que le monopole sur la monnaie doit faire place à la concurrence. D’autres monnaies verront le jour et quelques-unes s’imposeront d’elles-mêmes en toute liberté. Dans cette perspective, on peut penser que l’or et l’argent métallique reprendront du service puisqu’ils ont été les monnaies de choix pendant des siècles un peu partout dans le monde. Ils avaient les qualités pour le devenir et celles-ci ont peu changées depuis : on ne les reproduit pas aisément, ils maintiennent leur valeur, ils suffisent en nombre, sont faciles à transporter, difficiles à détruire, malléables, etc.

On ne devrait pas se contenter du système de l’étalon-or classique où l’or et l’argent de métal servaient de contrepartie à la monnaie de papier, car celle-ci est trop facilement reproductible. Sachant que l’État saisit la moindre occasion pour s’accaparer la propriété d’autrui, les seuls substituts à la monnaie d’espèces qu’on devrait maintenir sont les cartes de crédit et de débit et les différentes qualités de chèques. Une vérification des montants d’argent se retrouvant dans les comptes bancaires devrait être effectuée sur une base régulière, et s’il était découvert que les montants prêtés étaient plus importants que les sommes détenues, une pénalité serait émise pour violation de propriété. Qui a dit qu’un libéral rejetait toute réglementation?

Le seul inconvénient de ce système monétaire est que la monnaie d’espèces est plus lourde que les billets, mais lorsqu’on considère que les gens n’utilisent pratiquement plus de billets pour échanger biens et services, cela ne changerait pratiquement rien à leurs habitudes. L’usage de pièces métalliques, lorsqu’elles seraient utilisées dans les transactions quotidiennes, s’avérerait un inconvénient mineur à comparer l’assurance d’avoir en sa possession une monnaie que les gouvernements ne peuvent pas dévaluer aussi facilement que la monnaie d’aujourd’hui.

Le plus gros changement par rapport au système actuel, cependant, ne serait pas l’usage d’une monnaie d’espèces, mais l’interdiction d’établir une monnaie à partir de la seule autorité de la considérer comme telle. On dit souvent que le monopole de la monnaie est basé sur la confiance, mais cela exige une clarification. En effet, qu’on ait ou non confiance en ce monopole, encore faut-il avoir la possibilité d’utiliser une autre monnaie. Si cette possibilité est interdite par les autorités et que celles-ci ne cessent de dévaluer la monnaie qu’elles contrôlent, elles risquent d'appauvrir tout le monde et conséqumment de se faire renverser. Plutôt que de pavoiser arrogamment et de chercher des boucs émissaires, elles auraient intérêt à laisser aux gens la liberté de choisir leur monnaie.

Ceux qui ont intérêt à maintenir le statu quo

Cette réforme est souhaitable, mais elle semble peu probable considérant les groupes influents qui s’y opposent. Les économistes, à tout le moins la plupart d’entre eux, blâment l’appât du gain des financiers pour la crise. À cet égard, leur opinion se distingue peu de celle de la population en général. Leur solution est tout aussi simple, soit de demander aux législateurs plus de réglementations. Ils croient que la réglementation actuelle est insuffisante, que l’appât du gain se trouve uniquement chez les financiers et que pour corriger ce vice il suffit d’une législation de plus… Qui a dit que la naïveté se trouvait uniquement chez les enfants?

Ces économistes ne remettront jamais en question le monopole d’État sur la monnaie, car ils sont incapables de dissocier l’un de l’autre. Cela va à l’encontre de ce qu’ils ont appris, de leurs croyances. Ils ne sont pas aussi libéraux qu’on le pense. De leur côté, les banquiers préfèrent le statu quo. Ils considèrent que les injures que leur lancent politiciens et la population en général ne sont pas cher payées à comparer les avantages pécuniaires qu’ils tirent dudit système.

En ce qui a trait aux politiciens et aux fonctionnaires, ils n’ont aucun intérêt à voir la fin du monopole sur la monnaie, car à l’instar des économistes ils sont incapables de concevoir que ce monopole soit à l’origine de la crise actuelle, ou de celles qui l’ont précédées. Ils traitent ce monopole comme un fait naturel, de sorte qu’ils leur aient difficile de le remettre en question et conséquemment de lui attribuer une responsabilité quelconque. Ils accusent tout au plus les hommes qui le dirigent, mais jamais le monopole lui-même. Pour les croyants naïfs en l’État, celui-ci est de l’ordre du sacré. Inutile d’attendre d’eux des réformes en profondeur.

Difficile de ne pas être amer devant ce constat. Néanmoins, on ne peut en rester là. On doit redoubler d’effort et d’imagination pour expliquer qu’il existe d’autres façons de procéder, plus justes et plus propices à la production de richesse.

Aucun commentaire: