Emmanuel Martin les résume comme suit :
- Les « smart growth policy » ont catapulté, à un niveau absurde, le prix des terrains dans certaines villes;
- Le maintien des taux d’intérêt artificiellement bas pendant trop longtemps ont poussé les acheteurs à contracter des hypothèques bien au-dessus de leur moyen financier;
- L’ « American dream downpayment act », en éliminant la contribution de l’acheteur, ont attiré des acheteurs insolvables et favorisé la spéculation;
- La déresponsabilisation des banques qui, grâce à l’incompétence complice des agences de surveillance, ont refilé les risques aux investisseurs (titrisation) et aux contribuables (Fannie May et Freddy Mac).
Bien sûr, les banquiers cupides ont abusé de la situation à l’extrême, mais surtout parce qu’on les y invitait.
Malheureusement, les médias, plus concerné par les revenus publicitaires des gouvernements et des partis politiques que par l’information du public, sont, trop souvent, complices des politiciens. Les demi-vérités et les faussetés qu’ils véhiculent laissent croire à la population que la crise résulte de la dérèglementation des marchés. Il n’y a pourtant rien de plus faux.
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Retour sur les origines politiques de la crise
Emmanuel Martin, Un monde libre, Le 19 août 2009.
Les éditos se sont enchaînés depuis des mois pour fustiger le capitalisme et le laisser-faire supposément à l’origine de la crise actuelle. Les hommes politiques de gauche comme de droite se sont emparés de l’affaire pour apparaître comme les « sauveurs des marchés ». Cette version quelque peu naïve des faits a pu conforter agréablement certains dans leur idéologie collectiviste, et donné un prétexte inespéré aux hommes politique pour s’exonérer un peu plus d’une gestion responsable de l’argent public, « circonstances exceptionnelles » de la crise obligent : « il ne faut jamais laisser gaspiller une bonne crise » a pu déclarer Rahm Emmanuel, bras droit de Barack Obama.
C’est oublier un peu rapidement les responsabilités politiques à l’origine de la crise. En effet, si les marchés se sont comportés de manière irresponsable, au delà de l’appât du gain et de l’arnaque de certains, ainsi que des innovations très exotiques, c’est sans doute que les mécanismes de la responsabilité justement, qui sont la boussole des marchés, n’ont pas joué. Du fait d’interférences politiques. Dans la crise qui nous intéresse, il est instructif de constater qu’à chaque étape du processus d’achat d’une maison aux Etats-Unis, diverses réglementations et pressions politiques ont justement empêché les marchés de se coordonner : il est alors difficile de parler d’une crise du libre marché.
Premier élément dans l’achat d’une maison : le prix. Le problème du coût croissant du logement américain, n’était pas national mais sur certaines villes des Etats-Unis : San Francisco, New York, ou Phoenix. Ces villes ont en commun un marché immobilier dysfonctionnel. Pourquoi ? L’offre de terrain y est artificiellement restreinte de manière politique pour préserver la « communauté » : le marché ne fonctionne plus. Ces villes, où le foncier est restreint par les smart growth policies, sont bullaires : les prix y augmentent plus vite, mais y tombent aussi plus vite lors d’un retournement.
Deuxième élément : le taux d’intérêt. Une bonne partie des prêts aux USA étaient à taux variable, basés sur le taux d’intérêt directeur de la banque centrale américaine. Les variations de la politique monétaire – qui n’est pas « le marché » - ont donc eu une influence majeure sur les prêts à taux variable. Dès la fin 2001 la Federal Reserve a abaissé le Fed Funds Rate pour les maintenir jusqu’à un niveau de 1% entre mi 2003 et mi 2004. Puis avec la remontée importante des taux beaucoup d’emprunteurs à taux variable ont été pris à la gorge du fait de la nouvelle politique monétaire. Beaucoup avaient misé sur la hausse continue des prix pour revendre avec plus-value en cas de difficultés à rembourser. Mais lorsque tout le monde fait la même opération, les prix baissent !
Troisième élément ; l’apport personnel. C’est un élément important d’information sur le sérieux et la fiabilité de l’emprunteur. George W. Bush a fait voter l’American Dream Downpayment Act de 2003 qui vise à réduire – et plus tard supprimer- l’apport personnel. Ce dispositif réglementaire visait à faciliter l’accès à la propriété, le « rêve américain », en court-circuitant les mécanismes de marché en matière d’évaluation du risque. Il a eu comme effet pervers de ne plus permettre de sélectionner les emprunteurs sérieux.
Le quatrième élément est l’accompagnement de l’emprunteur par l’institution de crédit. Alors qu’en Europe une banque qui prête à un emprunteur prend le risque avec lui, ce qui est une incitation forte à contrôler minutieusement son dossier, aux Etats-Unis le crédit hypothécaire est titrisé, passé, comme une patate chaude, à un tiers pour finir découpé en tranche dans des produits financiers (les origines de la titrisation ont d’ailleurs à voir avec des réglementations du New Deal empêchant les branches d’institutions d’épargne entre états).
Deux entreprises, la Federal National Mortgage Association (Fannie Mae) et la Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac) qui représentaient près de 45 % du marché du refinancement hypothécaire ont pris de plus en plus de risques. Pourquoi ? Ces entreprises hybrides, percues comme garanties implicitement par l’État américain et bénéficiant de privilèges, à la source des problèmes de titrisation, avaient pour mission politique sociale explicite de la part du département de l’immobilier urbain, de couvrir de plus en plus ménages à faibles revenus, et peu fiables, dans le refinancement de leur crédit hypothécaire pour l’achat de leur maison. Au printemps 2008 des membres du Congrès mettaient encore sous pression ces entreprises, instruments de la politique sociale du logement.
Plus généralement, les institutions de crédit devaient respecter des statistiques raciales (des quotas pour telles ou telles minorités) dans l’accord de prêt, sous peine de sanctions diverses, notamment depuis le renforcement, sous Clinton, du Community Reinvestment Act. Ici aussi les mécanismes de marché, d’évaluation des risques de l’emprunteur, sont explicitement niés par les politiques. L’innovation du credit scoring, évaluation impersonnelle de la qualité des crédits, est venue renforcer cette tendance, engagée par le politique, à la déresponsabilisation dans l’appréciation des risques.
Lorsque le politique ôte les mécanismes de responsabilité qui orientent les marchés, ces derniers ne peuvent plus fonctionner correctement. Au plus grande est l’illusion, au plus fort est l’ajustement avec la réalité, c’est à dire la crise.
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