La loi de la fonction publique, adoptée en 1965, accordait aux syndicats de la fonction publique le droit de grève. Les politiciens n’avaient pas hésité à marchander à des fins électoralistes le droit des Québécois à recevoir des services publics. En 1982, l’abus des syndicats et la colère bien compréhensible des citoyens ont obligé les politiciens à concocter une demi-mesure : Le Conseil des services essentiels. Un service public fourni par un monopole d’état est par définition un service essentiel. En accordant le droit de grève aux syndicats de la fonction publique, le gouvernement leur accordait en même temps le pouvoir de retirer aux Québécois les services essentiels auxquels ils ont droits.
Trente ans plus tard, on commence enfin à comprendre que le droit de grève ne doit pas brimer les droits fondamentaux des citoyens.
André Pratte
La Presse, le 22 août 2007
Plus de 600 familles attendent d'enterrer un de leurs proches au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Dans certains cas, l'attente dure depuis des mois. De longs mois sans pouvoir franchir une étape cruciale dans l'évolution du deuil.
Cette situation, provoquée par un conflit de travail entre la fabrique et les employés du cimetière, est tout simplement intolérable. Heureusement, les négociations semblent enfin progresser sous l'impulsion du conciliateur nommé par le ministre du Travail, David Whissell. Toute entente négociée est certainement préférable à un règlement imposé. Mais le temps presse. En cas d'échec de la conciliation, le gouvernement ne devra pas hésiter à intervenir plus directement dans le conflit.
L'affaire ne suscite pas beaucoup d'émoi, notamment parce que le nombre de personnes touchées est relativement petit. Toutefois, celles-ci sont exceptionnellement vulnérables. Il est difficile d'admettre que les deux parties, qui savent mieux que quiconque la douleur qu'éprouvent les familles, puissent les garder ainsi en otages.
D'un côté comme de l'autre, on aurait avantage à méditer les propos tenus le printemps dernier par le directeur général du cimetière, Yoland Tremblay: « Le client a le droit en tout temps de vivre ses émotions, il est en droit d'attendre que tout ce qu'on fait pour lui reflète l'être cher. Notre première préoccupation doit être le bien-être des personnes endeuillées qui ont besoin de notre soutien autant administratif que spirituel. » L'affrontement actuel s'inscrit bien mal dans cette philosophie...
Une chose est sûre, une telle situation ne devrait plus se reproduire. Pourquoi ne pas ajouter l'inhumation des défunts aux services publics régis par le Conseil des services essentiels? Dans l'état actuel du droit, ce ne serait pas possible. Selon le Code du travail en effet, le Conseil est seulement appelé à intervenir si, selon le gouvernement, « une grève pourra avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique ». Le Conseil a plusieurs fois rappelé que «le maintien des services essentiels vise strictement à protéger la santé ou la sécurité de la population mais il ne signifie pas que la grève ne peut produire aucun effet ni inconvénient ».
Le fait que des corps soient rangés pendant des mois dans des entrepôts frigorifiés ne menace pas la santé publique. Par contre, il est clair que les ennuis subis par les proches des défunts sont d'une nature particulière. Ce n'est pas seulement leur routine quotidienne qui est chamboulée (comme c'est le cas lors d'une grève dans les transports collectifs, par exemple), mais leurs émotions les plus profondes.
N'y aurait-il pas lieu d'étendre la compétence du Conseil des services essentiels pour englober les conflits où les inconvénients sortent de l'ordinaire? Le ministre Whissell lancera à l'automne une réflexion sur le maintien des services essentiels dans les transports en commun. Il devrait élargir ce débat et le faire porter sur une révision plus générale du régime des services essentiels. De nos jours en effet, l'interruption prolongée de la prestation de certains services publics (qu'on pense aux garderies) peut causer aux usagers des problèmes si importants que des balises devraient être fixées, et ce même si la santé et la sécurité publique ne sont pas menacées.
Trente ans plus tard, on commence enfin à comprendre que le droit de grève ne doit pas brimer les droits fondamentaux des citoyens.
André Pratte
La Presse, le 22 août 2007
Plus de 600 familles attendent d'enterrer un de leurs proches au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Dans certains cas, l'attente dure depuis des mois. De longs mois sans pouvoir franchir une étape cruciale dans l'évolution du deuil.
Cette situation, provoquée par un conflit de travail entre la fabrique et les employés du cimetière, est tout simplement intolérable. Heureusement, les négociations semblent enfin progresser sous l'impulsion du conciliateur nommé par le ministre du Travail, David Whissell. Toute entente négociée est certainement préférable à un règlement imposé. Mais le temps presse. En cas d'échec de la conciliation, le gouvernement ne devra pas hésiter à intervenir plus directement dans le conflit.
L'affaire ne suscite pas beaucoup d'émoi, notamment parce que le nombre de personnes touchées est relativement petit. Toutefois, celles-ci sont exceptionnellement vulnérables. Il est difficile d'admettre que les deux parties, qui savent mieux que quiconque la douleur qu'éprouvent les familles, puissent les garder ainsi en otages.
D'un côté comme de l'autre, on aurait avantage à méditer les propos tenus le printemps dernier par le directeur général du cimetière, Yoland Tremblay: « Le client a le droit en tout temps de vivre ses émotions, il est en droit d'attendre que tout ce qu'on fait pour lui reflète l'être cher. Notre première préoccupation doit être le bien-être des personnes endeuillées qui ont besoin de notre soutien autant administratif que spirituel. » L'affrontement actuel s'inscrit bien mal dans cette philosophie...
Une chose est sûre, une telle situation ne devrait plus se reproduire. Pourquoi ne pas ajouter l'inhumation des défunts aux services publics régis par le Conseil des services essentiels? Dans l'état actuel du droit, ce ne serait pas possible. Selon le Code du travail en effet, le Conseil est seulement appelé à intervenir si, selon le gouvernement, « une grève pourra avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique ». Le Conseil a plusieurs fois rappelé que «le maintien des services essentiels vise strictement à protéger la santé ou la sécurité de la population mais il ne signifie pas que la grève ne peut produire aucun effet ni inconvénient ».
Le fait que des corps soient rangés pendant des mois dans des entrepôts frigorifiés ne menace pas la santé publique. Par contre, il est clair que les ennuis subis par les proches des défunts sont d'une nature particulière. Ce n'est pas seulement leur routine quotidienne qui est chamboulée (comme c'est le cas lors d'une grève dans les transports collectifs, par exemple), mais leurs émotions les plus profondes.
N'y aurait-il pas lieu d'étendre la compétence du Conseil des services essentiels pour englober les conflits où les inconvénients sortent de l'ordinaire? Le ministre Whissell lancera à l'automne une réflexion sur le maintien des services essentiels dans les transports en commun. Il devrait élargir ce débat et le faire porter sur une révision plus générale du régime des services essentiels. De nos jours en effet, l'interruption prolongée de la prestation de certains services publics (qu'on pense aux garderies) peut causer aux usagers des problèmes si importants que des balises devraient être fixées, et ce même si la santé et la sécurité publique ne sont pas menacées.
1 commentaire:
Le problème n'est pas le syndicalisme comme tel car, après tout, c'est bien plus simple pour un employeur de traiter avec un seul intervenant plutôt que des centaines pour établir des conditions de travail.
Le véritable problème vient de l'obsession de l'égalité dans les syndicats.
À force de surprotéger les cancres qui donnent une mauvaise réputation aux autres employés, les employeurs ont vu que les syndicats n'avaient à cœur que leurs cotisations et non le bien de l'entreprise.
Ainsi, les syndicats d'aujourd'hui défendent encore de nobles causes mais avec des approches dénuées de gros bon sens et de jugement.
Ça donne ce que ça donne...
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