Au Québec le taux de suicide chez les jeunes est le plus élevé au monde : Comment le Québec pourrait-il renverser cette tendance?
Le suicidé par Édouard Manet
Le suicide est un objet d’analyse complexe. Tant en médecine qu’en sciences sociales, une profonde mutation est en marche. Depuis la fin de la Révolution Tranquille, le taux de suicide dans la société québécoise a augmenté, et selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), presque toutes les sociétés sont au prise avec un taux très élevé de suicide (1). Dans tous les pays, le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 35 ans. Toutefois, statistiquement parlant, il est assez récent que l’on répertorie les suicides. Cependant, il est démontré que le taux de suicide croît en même temps que le niveau de développement d’un pays. Or, parmi les sociétés riches, se sont les pauvres qui se suicident le plus. En effet, les facteurs sociaux-économiques, le sentiment de précarité, d’exclusion, entraînent souvent la dépression et l’éclatement des familles, bref un « mode survie » à ne pas laisser sous silence. En ce sens, culturellement, le Québec parle beaucoup de suicide et de prévention depuis les années 70 et tente de trouver des solutions adaptées à la réalité. De ces bilans, il faut trouver de nouvelles pistes de réflexion et des solutions pour endiguer le problème, sans tomber dans des allégations complètement fallacieuses édictés sur le couvert de clichés et préjugés qui ont la vie dure. En effet, les mutations rapides des sociétés et le stress n’expliquent pas tout. Le suicide, en sortant du domaine privé, devient une question collective et l’ethnocentrisme contemporain de nos sociétés occidentales, notamment au Québec, oblige à aller plus loin dans l’élaboration de nouvelles solutions pour sortir du prêt-à-penser d’une société malade qui appelle à l’aide par la voix de tous ses désespérés.
Liberté d’expression ou terrorisme du vide?
Le suicide est un indicateur et un miroir des changements sociaux. Le modèle québécois, s’il interroge l’organisation même de la société face à la problématique du suicide chez les jeunes, laisse cependant de côté des éléments nécessaires à une analyse logique générale. En effet, parler de suicide à tous vents sous prétexte de ne pas vouloir tomber dans la censure est réducteur. C’est une forme de liberté d’expression inversée. À cet effet, plusieurs sociétés telle le Japon et la Belgique, ont une vision différente des choses. Évidemment tout cela se discute, mais quoi qu’il en soit, il est nécessaire de démocratiser l’avenue d’idées nouvelles dans le respect des libertés individuelles. Malgré une relative homogénéisation scolaire, à quand l’émergence d’écoles dites « nouvelles » qui élaboreront un véritable code de vie « anti-suicide »? L’école, sous sa forme actuelle est, sauf exception, un univers éminemment anxiogène et les réformes de l’éducation passent à côté du problème. En effet, l’expérience, le sentiment de compétence et le désir d’implication des enseignants québécois en relation avec la détresse psychologique et la prévention du suicide chez les élèves du secondaire, est un élément-clé de la prévention. Diverses discussions sur les responsabilités de l’école et de la famille ont été maintes fois analysées (2) et il en ressort que la capacité à reconnaître, chez un élève, des signes observables permettant de croire qu’il vit une détresse psychologique importante n’est pas toujours évident. Une partie significative des enseignants rencontrés pour les besoins de cet article m’ont confié se sentir relativement à l’aise pour œuvrer auprès d’élèves vivant des situations difficiles tels les échecs scolaires. Toutefois, une détresse psychologique importante, par sa nature subjective, amène les enseignants à se référer à une conception personnelle de ce que dois effectivement être une détresse psychologique importante. Donc, dans les faits, le sentiment de compétence permettant de faire face à la détresse et la prévention du suicide est très variable chez les enseignants. Pour la famille, ces résultats sont cruciaux et doivent être examinés afin de dégager des pistes d’actions éventuelles. En effet, un bon partenariat famille/école permet de mettre en lumière les signes avant-coureurs pour intervenir efficacement auprès des jeunes.
Enfants malades : parents fragiles
Bref, la société et les valeurs changent; ce parallélisme a une influence sur la courbe des différences individuelles propres à chaque famille, culture et groupe d’âge. En effet, on ne peut soustraire le mot société du mot suicide (3). Le suicide touche l’ensemble de la société québécoise et devient donc un fait social. Néanmoins complexe, puisque intime, lié au cœur de l’homme par des fondements rocailleux, dont les articulations sont autant de ponts à traverser, le suicide chez les jeunes touche aux dimensions les plus vitales en nous : l’espoir et la liberté.
Le phénomène grandissant du suicide est tel que même les jeunes enfants maintenant en sont la cible, une situation exceptionnelle, selon l’OMS et tellement que maintes recherches sont maintenant en route pour essayer de vaincre cette troublante problématique, et tenter diverses approches, qui, on le devine, ne sont pas sans faire des vagues dans certains milieux. En effet, pour un très jeune enfant, que peut-il y avoir de pire que l’incertitude, le désespoir et la mort en bout de piste? Concrètement, que faire pour aider les enfants? Est-ce que cette situation est à ce point problématique qu’il faille instaurer des mesures extraordinaires pour atténuer ce phénomène grandissant?
(1) « Figures and fact about suicide” OMS, 1999
(2) Rapport de recherche 2001 : « Enquête sur le sentiment de compétence des enseignants québécois face au suicide chez les élèves du secondaire » Gyslain Parent et coll.
(3) « Le suicide » Émile Durkheim, Les Presses Universitaires de France, Paris, 1897
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