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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

25 janvier, 2008

Bourse et clichés

André Dorais

Monsieur Jean-Paul Gagné, éditeur émérite au journal Les Affaires, était interviewé par Bernard Derome en début de semaine relativement aux soubresauts des bourses mondiales. Bien qu’on doive faire attention à trop généraliser à partir d’une courte entrevue, on ne peut s’empêcher de remettre en question la quasi-totalité des propos émis. Ceux-ci relèvent ou bien d’une lecture keynésienne et erronée de l’économie, ou bien ils relèvent de préjugés. Malheureusement, ces propos ne sont que trop souvent partagés par des gens à qui l’on attribue, à cause des fonctions qu’ils exercent, une plus grande connaissance du marché qu’à la majorité.

Pour Monsieur Gagné, les banques centrales n’ont rien à voir avec la crise hypothécaire à la source des soubresauts actuels de la bourse. Pourtant, les «barons de Wall Street», comme il les qualifie, ne contrôlent pas les taux d’intérêt; seules les banques centrales ont ce pouvoir. Or, si les taux d’intérêt avaient été plus élevés, ladite crise se serait-elle produite? En guise d’arguments, Monsieur Gagné évoque des clichés. La crise est due à la «cupidité de Wall Street». L’endroit est malsain! Si on y séjourne, on devient vicieux… Doit-on rappeler que la cupidité n’est pas l’apanage de Wall Street?

Monsieur Gagné fait allusion au bas taux d’intérêt, mais sans préciser qu’il s’agit d’un facteur à considérer. Toujours est-il que la cupidité semble plus grande lorsque les taux sont relativement bas. Et si l’on est plus cupide dans ces circonstances, alors on ne peut pas exclure la responsabilité de la banque centrale. Mais comment en arriver à cette conclusion lorsqu’on a déjà identifié les coupables? L’expression «barons de la finance» est bien connue pour désigner des gens aux pratiques douteuses. Le seul fait de l'utiliser montre ses couleurs. Ce sont des barons, donc les coupables. Nul autre argument n’est nécessaire, mais l’«éditeur émérite» n’en donne pas moins un autre : les barons tirent une commission des transactions effectuées! Il est vrai que lorsqu’on est habitué à un État providence, où tout est soi-disant gratuit, demander quelque chose pour service rendu est odieux.

Ces clichés se mêlent à une ignorance économique. Via la baisse des taux d’intérêt, on cherche à relancer l’économie en incitant les gens à consommer, alors qu’ils sont endettés au point de perdre leur maison, notamment aux États-Unis et dans plusieurs pays européens. Dans ces circonstances, ne devrait-on pas conclure que le temps est plutôt propice à l’épargne qu’à la consommation? À consommer sans produire au préalable on ne s’enrichit pas, on s’appauvrit. On incite à la cupidité que l’on dénonce par ailleurs. Il faudrait se faire une idée!

Monsieur Gagné semble féru de statistiques et de corrélations. Par exemple, il prétend qu’il est trop tôt pour parler de récession, car celle-ci se définit, techniquement, comme étant «deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB». Parmi les problèmes de cette définition, on doit souvent attendre que la récession soit terminée avant d’apprendre qu’on en avait une! Ce n’est pas très utile, à moins d’être statisticien de l’économie. Il évoque également l’inflation qui se manifeste dans les céréales et les produits pétroliers, soit le genre de produits qu’on répertorie généralement pour constater s’il y a inflation des prix ou non. Encore une fois, cela ne va pas à la source du problème et conduit à identifier des coupables qui sont en réalité des boucs émissaires.

En somme, ce n’est pas parce qu’on porte un titre émérite et qu’on est associé de près au monde des affaires, qu’on comprend mieux le marché. À cet égard, Monsieur Gagné n’est pas plus coupable que les autres, il a été à l’université publique, soit là où l’on apprend à blâmer tout le monde sauf l’État.

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