Effets pervers des mesures fiscales en région
Le Soleil, p. 13 / Marcel Boyer, 11 mai 2007
La ministre des finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, présentera bientôt le budget 2007-2008 du gouvernement. On peut s’attendre à ce que ce budget reconduise une série de mesures fiscales et en offre de nouvelles dans le but de favoriser les régions. Plusieurs de ces mesures ont des conséquences perverses, souvent prévisibles, et finissent par contrecarrer l’objectif visé.
Considérons ici le cas de la Stratégie de développement économique des régions ressources (SDERR), qui offre des subventions qui sont rebaptisées en congés fiscaux et crédits d’impôt remboursables. Cette dernière mesure équivaut à 30 % du salaire des nouveaux salariés dans les activités de transformation. Pour les PME du secteur de la fabrication, un congé fiscal de 75% de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur le capital et de la cotisation des employeurs au Fonds des services de santé est accordé. À cela s’ajoutent des mesures destinées à favoriser en région des entreprises spécifiques, telles les alumineries, en vendant l’électricité à rabais.
Mesures critiquées
Ces aides aux régions ressources ont suscité de nombreuses critiques en provenance des autres régions qui s’estiment avec raison victimes d’une discrimination fiscale et d’une concurrence déloyale. Sous cette pression, le gouvernement a annoncé la création d’un groupe de travail pour analyser l’impact de la fin des mesures fiscales destinées aux entreprises des régions ressources et de la nouvelle économie.
Les problèmes causés par ce genre de discrimination régionale vont bien au-delà d’un simple déplacement de l’activité économique des régions non subventionnées vers les régions subventionnées. Il y a d’abord une perte d’efficacité économique: l’activité qui a été empêchée dans une région était plus efficace que celle qui l’a remplacée car la première pouvait se justifier économiquement et se financer sur le marché sans de telles subventions. En terme net, il y a destruction de valeur et de potentiel de richesse qui entraînent une perte sèche dans l’économie.
La SDEER entraîne aussi trois conséquences indésirables qui minent le développement soutenu des régions : la difficulté de mettre fin aux subventions étant donné l’intensité des activités d’influence des clientèles privilégiées, le développement dans les régions assistées d’une culture néfaste de dépendance envers le gouvernement et le report sine die des adaptations et changements souhaitables dans ces régions.
Des effets pervers
De manière générale, l’interventionnisme étatique direct est particulièrement inefficace pour promouvoir le développement régional. Les effets pervers sont nombreux. Un rapport récent du gouvernement du Québec affirme que ces dépenses ont été aussi importantes qu’inutiles. Une étude récente du CIRANO abonde dans le même sens. Malgré cela, chaque Ministre des finances avance dans le même sillon.
Le coût des 280 postes de dépense fiscale s’est élevé à 18,6 milliards de dollars au Québec en 2006. Le désir des gouvernements de jouer aux apprentis-sorciers est insatiable et ce, malgré les impacts souvent désastreux à moyen terme de ces interventions.
Quand les entrepreneurs et les travailleurs sont davantage incités à surveiller leurs députés que leurs marchés, la performance économique ne peut que manquer le rendez-vous. Malheureusement, la performance économique ne se mesure pas au nombre de rubans coupés ni au nombre de plans et de stratégies de développement mais à l’efficacité des mécanismes de coordination et de motivation, d’abord et avant tout à la vérité des prix de tous les biens et services dans tous les secteurs et toutes les régions. Cette vérité des prix suscite l’innovation, la créativité et la commercialisation de nouveaux produits et services plus performants, les véritables bases de la croissance et de la compétitivité.
Il faut espérer que les principes fondamentaux de création de richesse prévaudront sur les pressions des groupes d’intérêt. Il est temps de changer de cap: les québécois sont fortement taxés par rapport aux autres juridictions en Amérique du nord et la performance économique du Québec en termes de croissance et de création d’emplois est particulièrement décevante et ce, depuis 25 ans.
Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui a fonctionné ailleurs? Ainsi, plusieurs pays ont fortement réduit les taux marginaux de l’impôt sur le revenu des particuliers quand il est devenu évident que des taux élevés réduisent l’effort de travail, diminuent la part de l’impôt payé par les riches en plus de réduire éventuellement les recettes fiscales.
Quoi faire pour aider les régions? Il faut d’abord recentrer le rôle du gouvernement sur le développement et le maintien des infrastructures susceptibles de favoriser l’intégration des économies des régions au sein de l’ensemble de l’économie du Québec; ensuite, favoriser la vérité des prix sur tout le territoire de manière à susciter des solutions innovantes aux problèmes et défis vécus par les régions (cette vérité des prix permettra une baisse importante des impôts); enfin, faire confiance aux capacités entrepreneuriales de création et d’innovation présentes en régions et rendre les dirigeants et citoyens des régions responsables de leur développement.
Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l'Institut économique de Montréal.
La ministre des finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, présentera bientôt le budget 2007-2008 du gouvernement. On peut s’attendre à ce que ce budget reconduise une série de mesures fiscales et en offre de nouvelles dans le but de favoriser les régions. Plusieurs de ces mesures ont des conséquences perverses, souvent prévisibles, et finissent par contrecarrer l’objectif visé.
Considérons ici le cas de la Stratégie de développement économique des régions ressources (SDERR), qui offre des subventions qui sont rebaptisées en congés fiscaux et crédits d’impôt remboursables. Cette dernière mesure équivaut à 30 % du salaire des nouveaux salariés dans les activités de transformation. Pour les PME du secteur de la fabrication, un congé fiscal de 75% de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur le capital et de la cotisation des employeurs au Fonds des services de santé est accordé. À cela s’ajoutent des mesures destinées à favoriser en région des entreprises spécifiques, telles les alumineries, en vendant l’électricité à rabais.
Mesures critiquées
Ces aides aux régions ressources ont suscité de nombreuses critiques en provenance des autres régions qui s’estiment avec raison victimes d’une discrimination fiscale et d’une concurrence déloyale. Sous cette pression, le gouvernement a annoncé la création d’un groupe de travail pour analyser l’impact de la fin des mesures fiscales destinées aux entreprises des régions ressources et de la nouvelle économie.
Les problèmes causés par ce genre de discrimination régionale vont bien au-delà d’un simple déplacement de l’activité économique des régions non subventionnées vers les régions subventionnées. Il y a d’abord une perte d’efficacité économique: l’activité qui a été empêchée dans une région était plus efficace que celle qui l’a remplacée car la première pouvait se justifier économiquement et se financer sur le marché sans de telles subventions. En terme net, il y a destruction de valeur et de potentiel de richesse qui entraînent une perte sèche dans l’économie.
La SDEER entraîne aussi trois conséquences indésirables qui minent le développement soutenu des régions : la difficulté de mettre fin aux subventions étant donné l’intensité des activités d’influence des clientèles privilégiées, le développement dans les régions assistées d’une culture néfaste de dépendance envers le gouvernement et le report sine die des adaptations et changements souhaitables dans ces régions.
Des effets pervers
De manière générale, l’interventionnisme étatique direct est particulièrement inefficace pour promouvoir le développement régional. Les effets pervers sont nombreux. Un rapport récent du gouvernement du Québec affirme que ces dépenses ont été aussi importantes qu’inutiles. Une étude récente du CIRANO abonde dans le même sens. Malgré cela, chaque Ministre des finances avance dans le même sillon.
Le coût des 280 postes de dépense fiscale s’est élevé à 18,6 milliards de dollars au Québec en 2006. Le désir des gouvernements de jouer aux apprentis-sorciers est insatiable et ce, malgré les impacts souvent désastreux à moyen terme de ces interventions.
Quand les entrepreneurs et les travailleurs sont davantage incités à surveiller leurs députés que leurs marchés, la performance économique ne peut que manquer le rendez-vous. Malheureusement, la performance économique ne se mesure pas au nombre de rubans coupés ni au nombre de plans et de stratégies de développement mais à l’efficacité des mécanismes de coordination et de motivation, d’abord et avant tout à la vérité des prix de tous les biens et services dans tous les secteurs et toutes les régions. Cette vérité des prix suscite l’innovation, la créativité et la commercialisation de nouveaux produits et services plus performants, les véritables bases de la croissance et de la compétitivité.
Il faut espérer que les principes fondamentaux de création de richesse prévaudront sur les pressions des groupes d’intérêt. Il est temps de changer de cap: les québécois sont fortement taxés par rapport aux autres juridictions en Amérique du nord et la performance économique du Québec en termes de croissance et de création d’emplois est particulièrement décevante et ce, depuis 25 ans.
Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui a fonctionné ailleurs? Ainsi, plusieurs pays ont fortement réduit les taux marginaux de l’impôt sur le revenu des particuliers quand il est devenu évident que des taux élevés réduisent l’effort de travail, diminuent la part de l’impôt payé par les riches en plus de réduire éventuellement les recettes fiscales.
Quoi faire pour aider les régions? Il faut d’abord recentrer le rôle du gouvernement sur le développement et le maintien des infrastructures susceptibles de favoriser l’intégration des économies des régions au sein de l’ensemble de l’économie du Québec; ensuite, favoriser la vérité des prix sur tout le territoire de manière à susciter des solutions innovantes aux problèmes et défis vécus par les régions (cette vérité des prix permettra une baisse importante des impôts); enfin, faire confiance aux capacités entrepreneuriales de création et d’innovation présentes en régions et rendre les dirigeants et citoyens des régions responsables de leur développement.
Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l'Institut économique de Montréal.
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