Une explication dont personne ne parle
Le Journal de Montréal, p. 26 / Nathalie Elgrably, 03 mai 2007
La récente hausse du prix de l’essence n’a pas manqué d’éveiller à nouveau les passions et d’attiser la colère des automobilistes.
Officiellement, le prix à la pompe est en hausse parce que la demande d’essence augmente plus rapidement que l’offre, ce qui crée un phénomène de rareté. Cette explication est logique, mais incomplète. Pourquoi l’offre ne suit-elle pas la demande?
En pratique, le problème ne provient pas des réserves qui seraient insuffisantes. Elles ne cessent d’ailleurs d’augmenter depuis 1970. Il est plutôt causé par la difficulté qu’ont les raffineries à répondre à la demande et à constituer des stocks. Elles fonctionnent à pleine capacité et le moindre imprévu réduit l’approvisionnement des détaillants. C’est une chose que d’extraire du pétrole brut, c’en est une autre que de le transformer en essence.
Pourquoi les pétrolières n’augmentent-elles pas leurs capacités de raffinage? Comment expliquer que des entreprises privées guidées par le profit ne tentent pas de répondre à la demande de leurs clients? Pourtant, quand la demande de véhicules augmente, les constructeurs automobiles s’adaptent pour satisfaire leur clientèle. De même, le nombre de stations d’essence et de garages se multiplient à mesure que la quantité de véhicules en circulation croît.
Si les pétrolières n’ajustent pas leur production en fonction de la demande des consommateurs, ce n’est pas pour créer de la rareté. En Amérique du Nord uniquement, elles sont nombreuses à avoir proposé des projets de constructions de raffineries. En dépit de toutes ces tentatives, aucune nouvelle raffinerie n’a vu le jour depuis plus de trente ans et ce, malgré la croissance de la consommation mondiale. Il n’est donc pas étonnant que le prix de l’essence augmente!
Cette situation aberrante, nous la devons à toutes les âmes bien-pensantes qui ont formé des groupes de pression suffisamment puissants pour convaincre, entre autres, le gouvernement américain d’interdire pendant trois décennies la construction de raffineries, de pipelines et de ports.
Les vrais coupables
Et comme ces mêmes lobbies ont également réussi à paralyser le développement de l’énergie nucléaire au nom de leurs nobles causes, la hausse du prix de l’essence devenait inévitable. Nous ne sommes donc pas les victimes innocentes des pétrolières cupides, nous sommes plutôt les otages des lobbies nombrilistes qui réussissent à nous imposer leurs choix et à scléroser l’industrie du raffinage.
Évidemment, pour occulter les conséquences perverses de leurs actions, ils s’indignent bruyamment du sort des familles démunies qui ont peine à assumer la hausse du coût de l’énergie. Certains réclament alors que l’État intervienne en contrôlant le prix de l’essence ou en nationalisant l’industrie pétrolière. Des bien-pensants contribuent à créer un phénomène de rareté et ont ensuite l’arrogance de demander une intervention étatique pour régler les conséquences d’un problème qu’ils ont eux-mêmes fait naître!
Pour défendre leur position, ils dénoncent violemment les profits des pétrolières et font croire qu’elles entretiennent un vaste complot pour exploiter les consommateurs. Il est vrai qu’elles engrangent des profits si faramineux qu’il est tentant de les haïr. Exxon Mobil est d’ailleurs l’entreprise la plus rentable de la planète avec des profits de 39,5 milliards de dollars US. Ce chiffre semble impressionnant, mais il correspond à une marge bénéficiaire de 11,5% uniquement. À titre comparatif, la marge de Johnson & Johnson est de 20%, celle de Microsoft est de 28,6%, tandis que celle de Pfizer atteint 36,8%!
Si notre plein nous coûte plus cher aujourd’hui, c’est en partie à cause de plusieurs lobbies, dont les groupes environnementaux. Mais personne n’ose les pointer du doigt. Pourtant, il est nécessaire d’identifier les véritables coupables pour apporter des solutions efficaces!
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.
Que l’État se contente d’être juste, nous nous chargerons d’être heureux.---- Benjamin Constant
Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement
Vaut mieux en rire!
Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry
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