André Dorais
On associe la droite politique, entre autres choses, à un conservatisme fiscal, mais depuis quelques années, voire des décennies dans certains pays, la droite ne cesse d’augmenter le poids de l’État. Elle en préconise la réduction, mais lorsqu’elle est au pouvoir elle l’augmente. Elle trouve toujours des excuses pour briser ses engagements : une guerre ici, une crise là, les circonstances, etc. Il s’ensuit une certaine méfiance lorsqu’un
mouvement parle de rassembler les forces de droite pour réduire l’État.
L’exemple le plus patent provient des États-Unis. Dans les années 1960, les présidents Kennedy et Johnson, démocrates associés à la gauche, réduisent le ratio dette/PIB d’environ 16%. De 1969 à 1977, les présidents Nixon et Ford, républicains, par conséquent associés à la droite, maintiennent ce ratio entre 36% et 38%. Le président Jimmy Carter, démocrate, le baisse de 3% entre 1977 et 1981. Sous Ronald Reagan, républicain, ce ratio augmente de 21%. George Bush, père, l’augmente d’un autre 15% entre les années 1989 et 1993. Clinton, démocrate, le réduit de 10% et Bush, fils, républicain comme son père, l’augmente de 27%. Obama, l’actuel président des États-Unis, semble être l’exception à la règle puisqu’il continue d’augmenter ce ratio et conséquemment le poids de l’État, alors qu’il est démocrate. Source :
Wikepedia
En Australie le portrait est similaire. En 1972, le parti Travailliste, de gauche, prend le pouvoir pour la première fois depuis 1949. Il réduit le fardeau de la dette relativement au PIB, mais cela ne dure pas longtemps. En 1975, le parti Libéral de coalition, de droite, prend le pouvoir et augmente ledit ratio jusqu’au moment d’être défait aux élections de 1983.
Ce ratio augmente jusqu’en 1985, redescend jusqu’en 1991 et augmente de nouveau jusqu’en 1996. On peut donc conclure à un bilan mitigé du parti Travailliste au pouvoir, de 1983 à 1996, en ce qui a trait au poids relatif de l’État dans l’économie. Les choses reviennent à la normale à partir de 1996, c’est-à-dire que le parti associé à la droite réduit le ratio de la dette jusqu’en 2007, soit l’année où il est battu par le parti Travailliste (voir
ici, page 10 et
ici).
Au Canada, cette
dette relative est réduite du moment où les Libéraux prennent le pouvoir en 1993; elle tend à augmenter depuis l’arrivée du parti Conservateur minoritaire en 2006. Le parti Libéral se qualifie de centriste, soit de gauche ou de droite selon les interlocuteurs, mais relativement aux Conservateurs on le situe à gauche. Cet exercice peut être effectué pour le Québec et plusieurs autres pays du monde avec le même résultat.
On doit donc faire très attention d’associer la droite à une réduction de l’État, car la réalité des dernières années dément, au moins en partie, cette corrélation. Il y a plusieurs droites et plusieurs gauches selon ce qu’on veut caractériser. À l’aune de l’échelle «peu ou pas d’État» d’un côté et «beaucoup» de l’autre, qualifions-la d’échelle globale, plusieurs de ces repères ou caractéristiques se confondent. Par exemple, on situera à droite le partisan du libre marché, mais si cet individu se dit également partisan de la droite militariste, on est obligé de le situer à gauche sur l’échelle globale puisque cette droite exige une forte présence de l’État.
Il en va de même pour les partisans de la loi et de l’ordre. Les individus qui préconisent la «manière forte» font appel à l’État et, par conséquent, à son accroissement. Cet autoritarisme ne se retrouve pas uniquement dans les sanctions relatives aux crimes contre la personne, mais dans tous les secteurs d’activités. Par exemple, l’ex chef de l’Action démocratique du Québec, Mario Dumont, préconise l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans pour contrer le décrochage scolaire chez les garçons. On peut entendre ses propos
ici.
Cette suggestion, de nature autoritaire, garantit une baisse du décrochage scolaire, mais augmente aussi certainement la probabilité à court terme d’une hausse des charges fiscales puisqu’il faudra alors trouver les moyens de scolariser, voire simplement de s’occuper pendant plusieurs mois, de quelque
30% de plus d'étudiants. Une solution plus libérale et moins coûteuse serait d’abolir
l’âge minimum pour travailler contre rémunération. Une autre serait de réviser le rôle du ministère de l’Éducation.
La droite est-elle trop hétérogène pour former un tout cohérent? On peut le penser. Certains individus préconisent une droite autoritaire, d’autres, une droite morale ou influencée par la religion. Celle-ci peut être ou non compatible avec la droite économique tout comme elle peut être ou non compatible avec la droite autoritaire, voire militaire. Il y a également la droite nationaliste qui tend à opposer l’«étranger» parmi «nous». Cette droite aussi n’est pas nécessairement compatible avec la droite économique.
Parmi la droite économique on retrouve de nombreux «experts» qui revendiquent l’aide de l’État en temps de crise. On situe généralement ces experts, banquiers, économistes et autres analystes financiers, à droite, mais puisqu’ils revendiquent l’intervention massive de l’État en temps de crise, on est obligé de les situer à gauche sur l’échelle globale. Ces gens sont vus, en temps normal, comme des alliés de ceux qui souhaitent réduire l’État, mais dès lors qu’il y a une crise ils se retrouvent parmi vos plus grands ennemis. Difficile, donc, de les considérer comme des alliés sûrs.
En réalité, il n’y a que les autrichiens, anarchistes libéraux et libertariens qui constituent une valeur sûre pour réduire l’État. Tous les autres «droitistes» risquent d’être incapable d’atteindre ce but, soit parce qu’ils ont chacun une idée différente de la droite, soit parce qu’ils ne croient pas vraiment au bienfait de réduire l’État. En somme, on doit clarifier l’objectif. Veut-on réunir la droite ou réduire l’État? Le premier objectif ne garantit pas le second, mais celui-ci peut se faire sans réunification de la droite, voire avec l’aide de la gauche.