Bientôt ce sera le troisième anniversaire des défusions. Les conséquences de ce gâchis dépassent l’entendement : des centaines de millions de dépenses inutiles, un immobilisme glaciaire, détérioration des services, etc. Le déneigement, ou plutôt le non-déneigement, des rues et trottoirs de Montréal est le dernier exemple du fiasco créé par les fusions/défusions.
Montréal glisse lentement, mais non moins surement, vers le peloton de queue des grandes villes nord-américaines. Toutefois, la ministre Normandeau persiste à ignorer le problème en espérant qu’il va disparaître. Pourtant, elle devrait savoir que c'est seulement dans les contes de fée que les choses s'arrangent par enchantement.
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Le jeudi 20 mars 2008
L'intendant de Montréal
Michèle Ouimet
La Presse
Même le maire de Montréal le reconnaît: les rues et les trottoirs de la ville sont mal déneigés.
Dix jours après la tempête, les Montréalais valsent toujours sur des trottoirs gelés et s'embourbent dans des rues à l'allure déconcertante: un tas de neige au centre, encadré par des ornières glacées.
Du jamais vu.
Pourtant, Montréal est une ville nordique. Et qui dit nord dit neige, non? Le déneigement devrait donc faire partie des compétences de base de la Ville.
Pourquoi Montréal patauge-t-il dans un tel bordel depuis 10 jours? Après tout, la ville n'a reçu que 26 centimètres de neige. Avec des gros vents, oui, oui, je sais, mais on est loin des 50 centimètres de 1971.
Le maire Gérald Tremblay a une longue liste de réponses qui sent la justification à plein nez. Je l'ai rencontré à l'hôtel de ville, hier. La chenillette et la souffleuse n'ont pas de secret pour lui et il cause déneigement avec passion.
L'équipement est désuet, a-t-il expliqué. Les bris sont fréquents. Les dépôts de neige sont archipleins, les camions doivent parfois attendre une heure avant de décharger leur cargaison. Les bancs de neige à la carrière Francon, par exemple, atteignent 70 mètres de haut.
La Ville ne sait plus où mettre la neige. Elle n'a pas le droit de la déverser dans le fleuve.
C'est vrai, le maire a raison. La ville compte 4100 kilomètres de rues, soit l'équivalent de la distance entre Montréal et Vancouver. Pas facile à déneiger. Mais 10 jours! Soyons sérieux. En veine de confidences, Gérald Tremblay a ajouté qu'il a pelleté son toit trois fois et qu'il déblaie son entrée à 4h du matin.
Mais l'énergique maire n'a pas de pouvoir, sauf celui d'enlever la neige devant son portique. Il ne peut même pas demander aux cols bleus de déblayer le trottoir en face de l'hôtel de ville, car le déneigement fait partie des compétences des arrondissements. Et il y en a 19 avec, à leur tête, des maires qui ont plus de pouvoir que Gérald Tremblay dans leur champ de compétence.
Ce sont eux qui décident du rythme du déneigement, des priorités et des budgets alloués. Gérald Tremblay n'a pas un mot à dire. Il peut suggérer, proposer, discuter. Mais décider? Non. Ainsi va la Ville charcutée au cours de l'opération défusion menée par le premier ministre Jean Charest.
Montréal est une ville à 19 vitesses, éclatée en 19 arrondissements, 19 royaumes. Elle est ingouvernable et «indéneigeable».
Le maire le reconnaît. «Je ne peux pas imposer des pratiques à un arrondissement», a-t-il dit.
Il a toutefois mis sur pied une «cellule d'intervention pour la neige» et il a l'intention de faire une autopsie de la dernière tempête. Il veut même «s'asseoir avec les arrondissements, les cols bleus, les entrepreneurs et des groupes de citoyens» pour brasser des idées et trouver des solutions originales aux problèmes de déneigement.
Bref, beaucoup de parlotte pour masquer son impuissance. Car le pouvoir, le vrai, lui échappe.
Gérald Tremblay a multiplié les demandes auprès de Québec pour qu'il modifie la charte et lui donne davantage de prise sur sa ville. Mais le gouvernement traîne les pieds et le dossier agonise sur le bureau de la ministre des Affaires municipales.
Gérald Tremblay a été très peu présent pendant les 10 jours où Montréal s'est débattu avec la neige. Il a laissé le crachoir à son frère Marcel, le grand manitou de la propreté et du déneigement. Sauf que les Montréalais veulent voir leur maire, pas son frère.
En août, lorsqu'une longue fissure a provoqué l'affaissement d'une dalle dans un passage souterrain du centre-ville, le maire s'est précipité sur les lieux. Mais la neige? Rien, ou si peu.
Pourquoi cette absence? Gérald Tremblay se défend en disant qu'il fait partie d'une équipe. «L'important, c'est que la neige soit ramassée», a-t-il tranché.
Oui, la neige est ramassée, mais avec une lenteur toute kafkaïenne. Je ne veux pas en rajouter, mais les rues de Kaboul sont en meilleur état.
À la fin de l'entrevue, le maire a fait une déclaration étonnante: «J'ai un rôle d'intendance, a-t-il dit. Je suis un intendant.»
Non, M. Tremblay, vous n'êtes pas un intendant, mais un maire. C'est pour ça que les Montréalais vous ont élu.
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