Le texte suivant en dit long sur l’impossibilité de gérer le système de santé du Québec. Les gestionnaires et le personnel du système de santé, pris en étau entre les priorités des fonctionnaires et la rigidité des conventions collectives, ont peu de temps pour s’occuper des malades.
Le jeudi 07 juin 2007
Une situation intolérable!
Le texte suivant est cosigné par les docteurs Dominique Cousineau, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Pierre Marois, physiatre, CHU Ste-Justine, Centre Montérégien de réadaptation, C.R. La Maison et C.R. Le Bouclier; Marie Laberge, pédiatre et physiatre, CHU Ste-Justine et C.R Le Bouclier; Annie Veilleux, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Gloria Jeliu, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Judith Meloche, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Céline Belhumeur, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Claude Roberge, pédiatre C.R. Marie-Enfant et CHU Ste-Justine; Michel Vanasse, neurologue, CHU Ste-Justine; Julie Dubé, physiatre, CHU Ste-Justine et C.R Le Bouclier; Thierry Gillain, physiatre, CHU Ste-Justine.
M. Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux
Le jeudi 07 juin 2007
Une situation intolérable!
Le texte suivant est cosigné par les docteurs Dominique Cousineau, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Pierre Marois, physiatre, CHU Ste-Justine, Centre Montérégien de réadaptation, C.R. La Maison et C.R. Le Bouclier; Marie Laberge, pédiatre et physiatre, CHU Ste-Justine et C.R Le Bouclier; Annie Veilleux, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Gloria Jeliu, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Judith Meloche, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Céline Belhumeur, pédiatre, Centre de développement CHU Ste-Justine; Claude Roberge, pédiatre C.R. Marie-Enfant et CHU Ste-Justine; Michel Vanasse, neurologue, CHU Ste-Justine; Julie Dubé, physiatre, CHU Ste-Justine et C.R Le Bouclier; Thierry Gillain, physiatre, CHU Ste-Justine.
M. Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux
Nous voudrions profiter de l'occasion de cette semaine québécoise des personnes handicapées pour ajouter nos voix à celles de milliers d'enfants et de familles qui depuis plusieurs années réclament votre intervention car ils sont systématiquement abandonnés par le système de santé dont vous avez la responsabilité.
En effet, si nous gardions plus longtemps le silence, nous nous rendrions complices d'une situation qui, sur les plans humain, moral, éthique et social, est devenue intolérable.
En effet, si nous gardions plus longtemps le silence, nous nous rendrions complices d'une situation qui, sur les plans humain, moral, éthique et social, est devenue intolérable.
Comme vous le savez, nous enseignons dans toutes les universités du monde qu'au cours des premiers mois et premières années de la vie, le cerveau humain a une capacité de remodelage. C'est ce qu'on appelle la plasticité cérébrale. La reconnaissance précoce des désordres neurodéveloppementaux, jumelée à une intervention diligente et intensive, permet non seulement de profiter de cet avantage qu'ont les jeunes enfants, mais aussi d'exploiter de façon maximale tout leur potentiel moteur et fonctionnel.
Par ailleurs, si ceci n'est pas fait, un retard significatif associé à des séquelles irrécupérables se manifestera régulièrement. Ainsi, un enfant qui a le potentiel de marcher pourrait être privé de l'usage de ses jambes, et celui qui a le potentiel de communiquer pourrait en être empêché. C'est en brandissant cet argument que, dans plusieurs pays du monde et dans certains États américains, des lois ont été adoptées pour exiger une prise en charge précoce et intensive des jeunes enfants.
C'est aussi en tenant compte des formidables coûts sociaux engendrés par un long délai de prise en charge que notre propre Société de l'assurance automobile du Québec impose aux équipes de réadaptation d'intervenir dans un délai inférieur à quelques semaines auprès d'un enfant ayant un problème neurodéveloppemental secondaire à un traumatisme subi lors d'un accident de la route.
Cependant, qu'en est-il de tous les autres, ceux qui naissent avec une paralysie cérébrale, un syndrome autistique ou un autre trouble grave du développement? La grande majorité doit attendre interminablement sur des listes d'attente démesurées qui font fi de tout ce qui est connu, enseigné et généralement accepté en sciences. Ces enfants font la file, parfois pendant plus de trois ans après le diagnostic, pour avoir accès aux soins de physiothérapie, d'ergothérapie, d'orthophonie, d'éducation spécialisée, etc., auxquels ils ont droit et dont ils ont besoin de façon urgente! Au Québec, au seul chapitre de la déficience physique, plus de 8500 personnes, dont 3200 enfants, sont en attente d'un premier service spécialisé de réadaptation. Des dizaines de milliers présentant d'autres types de déficiences subissent le même sort.
Moins de droits?
Considérons-nous, monsieur le ministre, que les personnes handicapées et leur famille sont des citoyens qui ont moins le droit que les autres à des services de première qualité, donnés dans des délais raisonnables? Il n'est pas rare, après avoir posé un diagnostic de paralysie cérébrale par exemple, et après avoir recommandé une intervention rapide en réadaptation, de revoir à de très nombreuses reprises, pendant quelques années, un enfant et sa famille, sans que jamais notre recommandation de traitement n'ait été respectée.
Moins de droits?
Considérons-nous, monsieur le ministre, que les personnes handicapées et leur famille sont des citoyens qui ont moins le droit que les autres à des services de première qualité, donnés dans des délais raisonnables? Il n'est pas rare, après avoir posé un diagnostic de paralysie cérébrale par exemple, et après avoir recommandé une intervention rapide en réadaptation, de revoir à de très nombreuses reprises, pendant quelques années, un enfant et sa famille, sans que jamais notre recommandation de traitement n'ait été respectée.
Par ailleurs, même si ces listes d'attente sont démesurément longues, nous savons qu'elles ne reflètent même pas la réalité, étant artificiellement raccourcies par le fait que, pour laisser la place à d'autres, les enfants ne reçoivent bien souvent ni la fréquence ni la durée requises des interventions. Certains seront pris en charge à l'âge 4 ans et recevront leur congé un an plus tard, alors qu'ils ont encore d'énormes besoins, car plusieurs centres de réadaptation, faute de moyens, sont forcés systématiquement d'abandonner le suivi des enfants et de leur famille à l'âge scolaire.
Ces délais d'intervention ne sont pourtant que la pointe d'un gigantesque iceberg, car les familles d'enfants présentant un handicap sont confrontées à bien d'autres difficultés, incluant le manque flagrant de support pour l'ensemble des soins, de soutien financier et de possibilités de répit. Il est inacceptable d'observer que des parents doivent se lever à 5 heures du matin tous les jours de la semaine pour donner un interminable déjeuner à un enfant de 12 ans qui ne mastique pas ou qui doit être gavé par un tube, puis qui doit être changé de couche, habillé, placé dans un fauteuil adapté pour enfin prendre l'autobus scolaire à 6h 15, car, faute de ressources de transport, il doit faire au total plus de quatre heures de trajet par jour pour pouvoir fréquenter une école spécialisée.
Et même lorsqu'il a accès à cette école pour recevoir les soins de réadaptation dont il a besoin, il arrive fréquemment, en l'absence de personnel suffisant, qu'il soit de nouveau placé sur une liste d'attente. Conséquemment, il ne recevra aucun service spécialisé pendant toute une année, perdant alors de précieux acquis physiques et fonctionnels.
Imaginons aussi les absences du travail, tout le temps consacré aux rendez-vous médicaux, aux rencontres en physiothérapie, ergothérapie, orthophonie, etc., les heures nécessaires à tous les soirs pour l'aide aux devoirs auprès de cet enfant qui a des troubles graves d'apprentissage, le stress vécu et les longs moments passés au chevet de leur enfant lors des hospitalisations pour chirurgie, puisque, faute d'intervention, la hanche est luxée, que les tendons sont trop courts ou que la colonne est déviée. Combien de temps reste-il pour que le couple survive, ou pour que les autres enfants de la famille sentent qu'ils ont encore une place? Qu'y a-t-il comme ressources de gardiennage ou de répit pour appuyer ces héros?
Monsieur le ministre, vous pourrez nous répondre que notre système de santé est au bout de ses ressources, qu'il n'a pas la capacité de combler tous les besoins, mais c'est justement en intervenant de façon appropriée et soutenue que vous permettrez à tous les contribuables d'épargner des coûts importants. Toutefois, bien au-delà de ces considérations, c'est d'abord pour des raisons humaines et pour le respect des droits de tous les citoyens que nous demandons votre intervention.
Nous réclamons, monsieur le ministre, que vous agissiez de façon urgente et concrète pour que tout soit mis en oeuvre afin que les personnes handicapées du Québec et leur famille puissent avoir accès rapidement à des services soutenus et de qualité, mais aussi au support dont ils ont besoin à tous les niveaux. Nous demandons que nos recommandations médicales de soins de réadaptation soient respectées sans délai, comme toute autre prescription. Si cela exige, comme dans d'autres endroits du monde, qu'une loi soit adoptée pour imposer une prise en charge précoce, nous supporterons cette démarche. Nous voulons que vous mettiez à votre ordre du jour une commission parlementaire pour évaluer la situation actuelle et pour proposer les solutions nécessaires. Une orientation ministérielle sur la problématique des personnes handicapées, en particulier chez les enfants, nous apparaît maintenant comme une nécessité.Il y eu trop de temps perdu en paroles et en promesses, nous espérons maintenant une écoute attentive et une réponse qui seront suivies de gestes concrets de votre part.
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