État d’urgence: deuxième partie
Le Journal de Montréal, p. 26 / Nathalie Elgrably, 21 juin 2007
Il n'y a pas si longtemps, il était tabou de critiquer la performance du système de santé québécois, et ceux qui osaient le remettre en question étaient presque brûlés sur le bûcher. Aujourd'hui, tous sont unanimes à dénoncer les ratés du réseau et à insister sur l'urgence de le rendre plus efficace. On progresse!
En dépit de cela, les gardiens du statu quo jugent blasphématoire toute révision en profondeur du système. Ils ne jurent que par des injections de fonds et ne tolèrent que des ajustements mineurs pour préserver l'intégrité du système qui, selon eux, symbolise la justice sociale et la solidarité.
Personne ne possède le monopole de la bonté et de l'altruisme et, que nous soyons «lucides» ou «solidaires», nous souhaitons tous que les Québécois puissent avoir accès à des soins, indépendamment de leurs moyens financiers. Cet objectif est tout à fait louable, et il est hors de question d'y renoncer.
Mais, pour garantir l'accès universel aux soins de santé faut-il nécessairement que l'État détienne le monopole de la fourniture des soins?
Préserver l'esprit du système
Actuellement, tous les hôpitaux appartiennent exclusivement à l'État. Alors qu'il serait inconcevable de concéder le monopole de l'essence à Esso ou celui de l'alimentation à IGA, certains vénèrent le monopole de la santé.
Or, tous les monopoles, qu'ils soient privés ou publics, portent en eux les conditions nécessaires à la dégénérescence du système. Et, à en juger par l'état de notre réseau de la santé, le monopole québécois ne fait pas exception.
On peut remettre en question le monopole de la santé tout en préservant l'esprit du système actuel. Il suffit de séparer l'objectif du moyen employé pour y parvenir. L'universalité est l'objectif visé, tandis que le monopole d'État ne constitue qu'un moyen.
Malheureusement, les inconditionnels du statu quo font un amalgame entre les deux, ce qui explique l'immobilisme qu'ils nous imposent alors qu'il est pourtant possible de conserver l'universalité tout en se libérant des problèmes inhérents au monopole d'État.
Les bénéfices de la concurrence
Faisons un parallèle. En cas d'incendie, notre compagnie d'assurance assume le coût de reconstruction de notre maison, mais n'effectue pas elle-même les travaux. Elle les confie plutôt à des entrepreneurs privés qui se font concurrence pour décrocher le contrat. La concurrence est bénéfique aux consommateurs, car chaque vendeur doit se surpasser de crainte de perdre des clients.
Avec un monopole d'État, les hôpitaux n'ont aucune incitation à exceller, et certains patients le paient de leur vie. Pour préserver l'universalité, l'État pourrait continuer à jouer son rôle d'assureur, mais abdiquer celui de fournisseur de soins.
À l'instar de toutes les compagnies d'assurance, l'État paierait la facture, mais ferait exécuter le travail par des établissements privés que la concurrence forcerait à offrir des soins toujours meilleurs.
Il est possible de bénéficier des vertus de la concurrence tout en s'assurant qu'aucun Québécois ne soit privé de soins de santé faute de moyens. Mais pour y parvenir, il faut se libérer de la mentalité de défaitiste qui fait dire à certains qu'il n'existe pas de solution. Il faut surtout se libérer des militants pour une médecine soviétisée qui commettent la grossière erreur de confondre le moyen et l'objectif.
Leur aveuglement les conduit à défendre un système médiocre au lieu de chercher un moyen d'offrir à tous une médecine avant-gardiste.
Pourtant, être solidaire et être efficace ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Il suffit d'un peu d'ouverture d'esprit!
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques
Il n'y a pas si longtemps, il était tabou de critiquer la performance du système de santé québécois, et ceux qui osaient le remettre en question étaient presque brûlés sur le bûcher. Aujourd'hui, tous sont unanimes à dénoncer les ratés du réseau et à insister sur l'urgence de le rendre plus efficace. On progresse!
En dépit de cela, les gardiens du statu quo jugent blasphématoire toute révision en profondeur du système. Ils ne jurent que par des injections de fonds et ne tolèrent que des ajustements mineurs pour préserver l'intégrité du système qui, selon eux, symbolise la justice sociale et la solidarité.
Personne ne possède le monopole de la bonté et de l'altruisme et, que nous soyons «lucides» ou «solidaires», nous souhaitons tous que les Québécois puissent avoir accès à des soins, indépendamment de leurs moyens financiers. Cet objectif est tout à fait louable, et il est hors de question d'y renoncer.
Mais, pour garantir l'accès universel aux soins de santé faut-il nécessairement que l'État détienne le monopole de la fourniture des soins?
Préserver l'esprit du système
Actuellement, tous les hôpitaux appartiennent exclusivement à l'État. Alors qu'il serait inconcevable de concéder le monopole de l'essence à Esso ou celui de l'alimentation à IGA, certains vénèrent le monopole de la santé.
Or, tous les monopoles, qu'ils soient privés ou publics, portent en eux les conditions nécessaires à la dégénérescence du système. Et, à en juger par l'état de notre réseau de la santé, le monopole québécois ne fait pas exception.
On peut remettre en question le monopole de la santé tout en préservant l'esprit du système actuel. Il suffit de séparer l'objectif du moyen employé pour y parvenir. L'universalité est l'objectif visé, tandis que le monopole d'État ne constitue qu'un moyen.
Malheureusement, les inconditionnels du statu quo font un amalgame entre les deux, ce qui explique l'immobilisme qu'ils nous imposent alors qu'il est pourtant possible de conserver l'universalité tout en se libérant des problèmes inhérents au monopole d'État.
Les bénéfices de la concurrence
Faisons un parallèle. En cas d'incendie, notre compagnie d'assurance assume le coût de reconstruction de notre maison, mais n'effectue pas elle-même les travaux. Elle les confie plutôt à des entrepreneurs privés qui se font concurrence pour décrocher le contrat. La concurrence est bénéfique aux consommateurs, car chaque vendeur doit se surpasser de crainte de perdre des clients.
Avec un monopole d'État, les hôpitaux n'ont aucune incitation à exceller, et certains patients le paient de leur vie. Pour préserver l'universalité, l'État pourrait continuer à jouer son rôle d'assureur, mais abdiquer celui de fournisseur de soins.
À l'instar de toutes les compagnies d'assurance, l'État paierait la facture, mais ferait exécuter le travail par des établissements privés que la concurrence forcerait à offrir des soins toujours meilleurs.
Il est possible de bénéficier des vertus de la concurrence tout en s'assurant qu'aucun Québécois ne soit privé de soins de santé faute de moyens. Mais pour y parvenir, il faut se libérer de la mentalité de défaitiste qui fait dire à certains qu'il n'existe pas de solution. Il faut surtout se libérer des militants pour une médecine soviétisée qui commettent la grossière erreur de confondre le moyen et l'objectif.
Leur aveuglement les conduit à défendre un système médiocre au lieu de chercher un moyen d'offrir à tous une médecine avant-gardiste.
Pourtant, être solidaire et être efficace ne sont pas des concepts mutuellement exclusifs. Il suffit d'un peu d'ouverture d'esprit!
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques
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