Il est bien connu que les politiciens sont les premiers à adapter leurs discours aux tendances à la mode. Il suffit de rechercher les expressions « solidarité sociale », « création d’emploi », « développement durable », « réchauffement de la planète », etc. dans les discours politiques pour s’en convaincre. Il faut maintenant ajouter l’expression « créer de la richesse ». La profession de foi de Mme Marois, dans son message aux troupes péquistes, confirme que cette expression fait maintenant partie du discours politique québécois.
Il faut s’en réjouir. Cela confirme que l’opinion publique a fait un immense pas depuis la publication du manifeste des « lucides » à l’automne 2005. Toutefois, ce n’est qu’un premier pas. Le deuxième sera beaucoup plus difficile.
S’il est maintenant de plus en plus admis qu’une société ne peut partager la richesse qu’elle n’a pas encore créée que faut-il faire pour stimuler la création de la richesse? Essentiellement le gouvernement doit mettre en place un environnement favorable à la libre entreprise. Le chemin à parcourir est énorme. Le palmarès « Economic Freedom North America» de l’Institut Fraser classe l’environnement économique du Québec 59e sur 60.
Nous devons reconnaître que les croyances profondes des politiciens contemporains sont dictées par les sondages. Donc, aussi longtemps que cette situation prévaudra, le leadership politique sera à la remorque de l’opinion publique. Les discours se transformeront en actions au fur et à mesure que les sondages indiqueront aux politiciens le chemin à suivre.
Pour favoriser la création de la richesse, l’abandon des monopoles d’état comme outil privilégié pour desservir la population est un impératif incontournable. La tâche est gargantuesque. Malgré la réalité de tous les jours qui démontre le contraire, une majorité de Québécois croient encore fermement que l’état est altruiste et généreux. Tant que cette perception irréaliste prévaudra l’objectif de « créer de la richesse » demeurera un vœu pieux.
Alain Dubuc, La Presse
Pauline Marois, en déposant sa candidature à la direction du Parti québécois, a rendu public un document d'orientation où elle exprime son désir de renouveler le parti, et de repenser la façon dont il aborde les deux grands thèmes qui le définissent: la social-démocratie et la souveraineté.
L'élément le plus marquant de ce texte, c'est certainement son parti pris en faveur de la création de la richesse, un virage important pour le parti, mais aussi pour cette femme politique qui, au cours de sa carrière, a davantage été préoccupée par la redistribution de la richesse que par sa production.
« Il faut mettre résolument le cap sur la création de richesse, écrit-elle, dans une perspective de développement durable. Non parce que la richesse est une fin en soi, mais parce qu'elle est LA condition essentielle pour faire avancer l'égalité des chances, financer les services publics et les programmes sociaux et bâtir la vraie solidarité. On ne peut répartir de l'argent que l'on n'a pas. Il faut, une fois pour toutes, en finir avec cette peur de la richesse comme s'il s'agissait de quelque chose qui nous détournerait du bien commun et de la solidarité. Au contraire, c'est grâce à la richesse que nous serons solidaires.»
Cet engagement, je le vois d'un bon oeil. Et vous pouvez deviner pourquoi. Il pourra avoir une influence importante, parce qu'il contribuera à affranchir les Québécois de leurs peurs, et parce qu'il modifie l'échiquier politique. Les trois partis s'entendent maintenant pour faire de la création de la richesse une priorité collective. Cela changera la nature des débats, et la nature des choix.
Au plan économique, Pauline Marois est donc à la page. Cela ne veut pas dire pour autant que nous nous dirigeons vers la pensée unique. Il y a de multiples façons de favoriser la création de la richesse, et la future dirigeante du PQ inscrit sa démarche dans un cadre résolument social-démocrate. En effet, les objectifs de solidarité et de prospérité sont parfaitement conciliables.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. D'abord, parce que Mme Marois devra convaincre son parti. On sait ce qui est arrivé à André Boisclair avec des idées semblables. Ensuite, parce que, pour l'instant, elle s'en tient prudemment aux généralités. Or, c'est dans les détails que ça se complique.
Pour donner une idée de l'ampleur des enjeux, je me suis amusé à faire une liste de débats tout à fait déchirants que pourrait provoquer une stratégie de création de richesse. J'en ai facilement identifié quatorze.
1 > Pour améliorer la productivité, il faut augmenter l'investissement privé, notamment en réduisant le fardeau fiscal des entreprises, comme la taxe sur le capital.
2 > La productivité passe aussi par un investissement substantiel en éducation. Avec quel argent? En sacrifiant quelles missions?
3 > Et sommes-nous tous d'accord pour libérer les droits de scolarité?
4 > Le niveau de vie plus bas des Québécois s'explique aussi parce qu'ils travaillent moins. Est-ce une porte qu'on voudra ouvrir?
5 > Pour la même raison, il faut éliminer les facteurs qui n'incitent pas au travail. Comme le poids de l'impôt sur le revenu au Québec. On a vu la crise que cela a déclenché.
6 > Dans la même veine, on peut se demander si notre marché du travail est trop rigide. Faudra-t-il, par exemple, faciliter davantage la sous-traitance?
7 > Créer de la richesse, c'est une autre vision du développement économique, qui force à s'affranchir de l'obsession de la création d'emplois. Une révolution politique.
8 > Il faudra aussi reconnaître le rôle fondamental d'une métropole, dans une culture politique dominée par le discours régionaliste.
9 > Et repenser l'aide aux régions. On ne crée pas de richesse quand l'aide est une forme de BS?
10 > Il faudra aussi redéployer les ressources de l'État. Peut-être revoir le dogme de l'universalité, dans les garderies, ou à l'université.
11 > Et accepter le principe de l'utilisateur-payeur, pour des services de type commercial, comme l'électricité.
12 > Et gérer autrement la santé. Peut-on y arriver avec nos tabous sur le privé et les frais modérateurs?
13 > La création de richesse dépendra aussi d'un ambitieux programme d'infrastructures publiques, pour rattraper le temps perdu. L'État n'y arrivera pas seul. D'où les PPP.
14 > Pour créer de la richesse, il faut aussi miser sur nos atouts, comme l'hydroélectricité, la produire, l'exporter.
Créer de la richesse, dans une société qui n'en crée pas assez, cela implique par définition des changements, des virages et des choix difficiles. Le véritable test, pour Mme Marois, tout comme pour Jean Charest ou Mario Dumont, c'est la détermination et l'audace qu'ils mettront dans leurs efforts.
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