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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

29 mars, 2007

L’esprit politique et la justice

André Dorais

L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. Jean-Baptiste Colbert, contrôleur des finances sous Louis XIV

Le politicien est épris de justice, mais encore faut-il savoir laquelle. On doit se méfier de trop généraliser à cet égard, car l’opinion de chacun puise de différentes sources. On peut néanmoins distinguer des tendances. Plusieurs en ont une conception dualiste : individuelle et collective, morale et politique, religieuse et séculière. Diverses combinaisons de cette dualité sont envisageables : individuelle et morale, mais plutôt religieuse que séculière tout en faisant place à un autre ordre de justice, plutôt politique et laïque; individuelle, morale et séculière d’une part, religieuse et collective d’autre part, etc.

D’autres individus ont une conception moniste de la justice. Pour eux, la tendance est à mettre la religion partout ou, au contraire, nulle part. Au-delà de cette différence, la justice varie d’une conception religieuse à l’autre, de même que d’une conception laïque à l’autre. D’ailleurs les différences intra catégorielles (religion vs religion ou laïque vs laïque) sont souvent plus significatives que les différences inter catégorielles (religieuse vs laïque). Par exemple, d’une conception moniste et laïque de la justice, morale et politique ne font qu’un, mais l’opinion dont on s’en fait peut varier diamétralement d’un individu à l’autre dans la mesure où on la conçoit davantage d’un point de vue collectif ou individuel. Le dualisme, comme le monisme, en cette matière possède sa part de danger, mais celui-ci relève essentiellement d’une conception collectiviste de la justice, soit une conception qu’on tente d’imposer à tous.

Collectivisme vs individualisme

Un croyant qui considère la morale comme étant de nature religieuse, mais individuelle, constitue généralement moins une menace pour autrui qu’un croyant cherchant à le convertir par tous les moyens sous le prétexte de faire respecter le dogme. De même, un athée qui considère la morale comme étant de nature individuelle, tout en considérant la politique comme étant de nature collective, peut être dangereux pour autrui non pas parce qu’il est athée, mais parce qu’il promeut une conception collectiviste de la justice. En ce sens, on peut le qualifier de croyant en une «morale politique». Parce que toute morale collective cherche à s’imposer par la force au besoin, elle est rejetée par le sage qui voit là une contradiction dans les termes et une perversion de la morale. Pour lui, le problème n’est pas le croyant, mais le croyant en une morale collective, aussi bien religieuse que séculière.

La morale religieuse peut être définie comme étant la partie normative d’une religion qui a trait aux rapports humains. À l’instar de la morale séculière, tant que la morale religieuse ne regarde que l’individu qui y adhère volontairement, elle ne comporte aucun danger pour autrui. Ce n’est que lorsque les préceptes des uns sont imposés aux autres que la coopération humaine décline et la pauvreté s’accroît. Bien que l’autorité religieuse utilise à l’occasion des moyens indignes d’une morale pour faire respecter sa doctrine, on peut néanmoins se réjouir qu’elle ne soit pas pourvue, du moins dans la majorité des pays du monde, d’un pouvoir coercitif. On ne peut en dire autant de la morale politique (politisée, collectiviste).

De l’éthique au politique

Essayé de convertir les esprits n’est pas un mal, mais les moyens utilisés pour y parvenir peuvent l’être. C’est le cas de ceux utilisés par la politique. Celle-ci est essentiellement une éthique collectiviste, soit une morale qu’on tente d’imposer à tous par l’entremise de la taxation, l’imposition et la démagogie. Bien que les morales du monde présentent chacune un contenu différent, la plupart d’entre elles possèdent un tronc commun qui dénonce la violence, l’agression, la fraude, le vol et le mensonge. Ces interdits sont facilement acceptés par la majorité des gens jusqu’au jour où ils consentent à la morale politique, représentée par l’État, qui les définit autrement pour les utiliser à leur insu. Ce processus est tellement imprégné dans les esprits qu’une majorité croit, au contraire, qu’il est effectué dans son propre intérêt.

À l’instar de toute morale, la politique n’est fondamentalement rien d’autre qu’un ensemble de normes ayant trait aux rapports humains. Sa principale distinction n’est pas tant l’originalité des normes qu’elle véhicule que leur caractère coercitif. Et justement parce qu’elle procède ainsi, elle perd toute légitimité. Une morale digne de ce nom ne s’impose qu’à soi-même. Utiliser la force nécessaire pour se défendre est une chose, mais l’utiliser pour arriver à ses fins en est une autre. La taxation et l’imposition entrent dans cette dernière catégorie puisqu’on n’a pas le choix de s’y soumettre. Qu’une majorité y consente ne les légitime pas davantage, car la légitimité ne provient pas d’un nombre, aussi important soit-il. L’erreur est de penser que la politique est indispensable. Il existe d’autres morales, plus légitimes et plus efficaces quant au maintien de la sécurité et à leur potentiel de collaboration humaine.

De l’économique au politique

L’illégitimité de la politique conduit à son inefficacité, c’est-à-dire qu’elle nuit davantage qu’elle n’aide à la coopération humaine. Toute la question de l’efficacité des échanges est subordonnée à celle de leur légitimité. En d’autres mots, l’économie est subordonnée à l’éthique. Plus celle-ci est collectivisée, moins celle-là est efficace.

L’homme d’affaires et le politicien cherchent tous deux à servir la population, mais les moyens utilisés par chacun sont diamétralement opposés. L’un, offre produits et services en utilisant ses propres économies dans l’espoir d’en tirer profit, l’autre, taxe et impose autrui d’abord et tente ensuite de lui rendre service. Le premier a tout à perdre, alors que le second uniquement son job. Celui-ci, comme la majorité de la population, considère la méthode de celui-là ou bien inapplicable aux services qu’il tente de rendre, ou bien inférieure à la sienne. Le politicien ne remet pas en question la légitimité des moyens qu’il utilise, car il les considère indispensables et établis depuis longtemps. À moins d’une crise, qu’il a souvent lui-même provoquée mais dont il est aussi souvent incapable de reconnaître, tout ce qu’il se demande se résume à savoir comment mieux redistribuer les richesses, ou encore jusqu’où peut-il étendre son champ d’activités.

Le politicien se replie sur sa conception erronée de la justice en redéfinissant la signification des mots pour cacher la nature coercitive des moyens qu’il utilise. Il emprunte non seulement à la morale, mais aussi à la religion, à tel point qu’on peut dire qu’il promeut une religion sans Dieu. En effet, il s’exprime souvent par métaphore, cherche à inculquer ses préceptes à la population et à établir la providence sur terre par l’entremise de la taxation. À ses yeux, cette façon de servir est plus noble que celle de rechercher un profit qu’il associe aux gens de moindre envergure. Pourtant, son travail dépend entièrement de l’argent qu’il leur soutire. Il prétend payer des impôts, alors qu’il en vit. Il omet de dire la vérité. Il vit de la coercition, mais la qualifie de positive. D’ailleurs, pratiquement tout ce qu’il fait est qualifié de positif. Il est juge et partie. Or, il ne suffit pas de qualifier une action de positive pour qu’elle le devienne. La pensée magique devrait être laissée aux enfants, mais il appert qu’il y ait encore beaucoup d’adultes qui s’en contentent pour justifier l’imposition et la taxation.

Aider son prochain est digne de mention, mais l’aider en soutirant d’abord l’argent d’autrui lui enlève toute légitimité, car l’aide est venue accompagnée d’une nuisance. Nuisance bien pire que l’aide apportée, car elle relève d’une idée du bien imposée à autrui, qui en avait probablement une autre conception. De plus, une nuisance ne vient jamais seule. On ne soutire pas le fruit du travail d’autrui sans qu’il y ait de conséquences qui se répercutent ailleurs. Un exemple succinct permettra d’illustrer ce point.

Au Québec, depuis quelques années, on a établi des garderies «publiques» sous le prétexte d’aider les familles. Grâce aux subventions gouvernementales, c’est-à-dire au financement obligé des contribuables, il s’ensuit des coûts moins élevés pour les familles qui utilisent lesdites garderies. Certaines de ces familles, aux pratiques minoritaires, demandent une nourriture particulière pour leurs enfants étant donné leur croyance religieuse. On fait donc une fois de plus appel aux contribuables, car la liberté de religion est inscrite dans la Charte. Des gens traitent alors lesdites familles de mal adaptées à leur société et il s’ensuit une tension entre certains groupes d’individus.

Les demandes minoritaires sont en soi inoffensives, bien qu’elles puissent être coûteuses, surtout dans un environnement qui ne s’y prête pas. En toute justice, les choix de chacun et les coûts qui s’y rattachent devraient être assumés par ceux qui les effectuent plutôt que les contribuables. Toutefois, le même argument s’applique au financement obligé des garderies. En effet, cette façon de procéder relève moins de la volonté de chacun que de la morale politique imposée à tous. Celle-ci constitue la source du problème, alors c’est elle qui devrait être remise en question. La même demande adressée à une garderie se finançant uniquement auprès de ses utilisateurs ne soulèverait l’ire de personne. Malheureusement, le gouvernement persiste et signe en justifiant ses choix et sa coercition au nom de son idée de la morale. Cette conception utilitariste et surtout collectiviste de la justice constitue un cercle vicieux qui tend à se généraliser à tous les secteurs d’activités.

Les calculs utilitaristes des uns ne peuvent d’aucune manière attribuer une légitimité à l’imposition et à la taxation, car celles-ci visent d’autres personnes qui n’ont rien demandé, rien fait de mal et qui ne sont pas moins solidaires que les autres. La ruse de la morale politique, particulièrement en démocratie, est précisément de se présenter comme une morale, alors qu’elle en est tout le contraire dans la mesure où on la conçoit comme étant une question strictement individuelle. L’imposition et la taxation ne constituent qu’une forme plus subtile de vol et doivent être traitées comme tel. «Ne pas tuer», «ne pas voler» et les autres interdits susmentionnés constituent des principes civilisateurs qui ne devraient souffrir aucune exception. La difficulté est de les reconnaître sous différents habits.

Une justice distributive fondée sur la coercition est aveugle, car une plus grande richesse est possible pour tout le monde sans son aide. La taxation et l’imposition font partie d’une vision collectiviste de la justice, où les privilèges des uns s’obtiennent au détriment des autres. Sa mise en pratique donne rapidement des résultats, mais avec le temps elle conduit uniquement à partager la pauvreté. Par conséquent, plus on en réduira la portée, plus on en bénéficiera; l’idéal étant de l’abandonner.

1 commentaire:

Sherlock a dit...

Texte digne de mention.
Très intéressant!