Depuis la publication du premier budget du gouvernement
Couillard, les chroniqueurs, les éditorialistes, les blogueurs et autres
leaders d’opinion sont à court de qualificatifs et d’expressions pour le
qualifier d’austère : inatteignable, coups de hache, coupures à la
tronçonneuse, il n’y a plus de gras, la fin du modèle québécois, danger de
récession, etc.
Les groupes d’intérêt craignant de perdre leurs subventions
et autres avantages en remettent et déchirent leurs chemises sur la place
publique. Ils fourbissent leurs armes en vue d’une confrontation majeure avec
le gouvernement cet automne.
Mais comment en arrive-t-on à qualifier d’austère un budget
qui année après année continue de croître? D’accord, on nous promet de réduire
le rythme de croissance de dépenses de l’État pour qu’elles coïncident au
rythme de croissance de l’économie.
Quand le budget de Télé-Québec augmente, qu’on finance une
cimenterie, qu’on lance un nouveau programme de rénovation domiciliaire, que
les taxes scolaires augmentent, etc., on ne peut pas parler d’austérité. On est
très loin d’un budget de coupures et de réductions des dépenses.
Ce discours alarmiste découle de la stratégie de communication
utilisée par le gouvernement pour communiquer le budget à la population. Au
lieu de prendre comme point de départ les résultats de l’année précédente, le
ministre des Finances utilise plutôt les demandes des ministères et organismes.
Ainsi, comme par magie, l’écart entre le point de départ et le budget se
métamorphose : une augmentation des dépenses devient une réduction des
dépenses.
Les dépenses gouvernementales passeront de 72,3 G$ en
2013-2014 à 73,7 G$ en 2014-2015, soit une augmentation de 1,4 G$ ou 1,9 %.
Alors comment en arrive-t-on à suggérer que le gouvernement coupera dans les
dépenses? Simplement en prenant comme point de départ les demandes des
ministères et organismes. Si le gouvernement acquiesçait à toutes leurs
demandes, le déficit en 2014-2015 atteindrait 5,6 G$, mais le budget prévoit un
déficit de 2,4 G$. Donc, le ministre des Finances prétend réduire les dépenses et
augmenter les revenus pour combler la différence de 3,2 G$.
Quiconque a eu l’occasion de gérer un processus budgétaire
sait très bien que l’on demande toujour
s plus pour éventuellement obtenir ce que l’on veut. Ce sont
les règles du jeu d’une négociation budgétaire que tous les hauts
fonctionnaires connaissent et pratiquent.
Les dépenses augmenteront donc au même rythme que
l’inflation. C’est déjà beaucoup mieux que par le passé. Depuis dix ans elles ont
augmenté au rythme de 4,1 % annuellement, soit le double de l’inflation. Mais
attendons de voir si le gouvernement aura le courage de respecter son budget
avant de crier victoire.
La stratégie de communication du gouvernement qui consiste à
laisser croire à la population que le gouvernement fait des coupes budgétaires alors
qu’il n’en est rien est contre-productive.
D’un côté, le gouvernement berne la population, alors que le
premier ministre s’est engagé à être transparent. Déjà que les Québécois font
peu confiance à leurs élus, il n’est vraiment pas nécessaire d’en rajouter.
De l’autre, les médias amplifient le message du gouvernement
et laisse croire à la population que le gouvernement n’aura pas d’autres choix
que de couper dans les services. Les exagérations des leaders d’opinion servent
avant tout les groupes d’intérêt qui en rajoutent pour faire bonne mesure.
Les demi-vérités du gouvernement, les exagérations des
leaders d’opinion, les déchirages de chemises des groupes d’intérêts, tout
concurrent à mettre le gouvernement sur la défensive. Dans un tel contexte, le
gouvernement est condamné à perdre la bataille de l’opinion publique.
Pourtant, une opinion publique favorable au gouvernement est
une condition essentielle au succès du plan de redressement des finances
publiques. Dans le cas contraire, on revivra le scénario de 2003.
J’espère que les stratèges libéraux sauront profiter de la
relâche estivale pour développer une stratégie de communication gagnante et
assurer le succès du plan de redressement des finances publiques. Le recul
n’est pas une option.