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27 avril, 2023

Consultations prébudgétaires 2024 – Ville de Montréal: Rémunération – Tourisme et Logement abordable – Réglementation

Mémoire déposé par l’IEDM dans le cadre des consultations prébudgétaires 2024 tenues par la Ville de Montréal.

* * *

Thème 1 : Contrôler les dépenses de rémunération pour éviter de transférer un fardeau indu aux contribuables

Dans le dernier budget présenté par la Ville de Montréal, la rémunération des employés municipaux représentait 38,7 pour cent des dépenses totales(1), soit 2,6 milliards de dollars. C’est plus que toute autre catégorie de dépenses.

Selon le document de préparation budgétaire, la croissance anticipée de la rémunération des employés municipaux représente une dépense additionnelle de 92,5 millions de dollars(2), soit le tiers de la croissance annuelle des dépenses anticipée.

En bref, il s’agit d’un gros morceau tant dans le budget existant que dans la croissance anticipée des dépenses. Or, année après année, les données indiquent que cette catégorie de dépenses est plus grosse qu’elle ne devrait l’être.

Selon le plus récent rapport de l’Institut de la statistique du Québec sur la rémunération des salariés québécois, les employés municipaux des villes de 25 000 habitants et plus ont une rémunération 39,8 pour cent supérieure(3) en moyenne à celle des employés travaillant pour les grandes entreprises du secteur privé (200 employés et plus), pour des emplois équivalents.

Les données du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal(4) confirment que Montréal ne fait pas exception à la règle, la rémunération globale moyenne des employés de la métropole arrivant quatrième au Québec, à 106 693 $ par employé par année.

Si l’on compare ces données à la situation des contribuables montréalais, cela place l’employé municipal moyen parmi les 10 pour cent des Montréalais et Montréalaises les mieux rémunérés(5), selon les données de Statistique Canada.

À titre d’exercice, ramener la rémunération des employés municipaux montréalais au niveau moyen offert dans les grandes entreprises du secteur privé, à emploi équivalent, permettrait d’économiser 1,1 milliard de dollars en dépenses de rémunération prévues pour le budget 2024(6). Cela équivaut à 15,3 pour cent des dépenses anticipées pour l’année 2024(7).

Étant donné le poids important de la rémunération dans les dépenses municipales, le défi budgétaire cerné par la Ville et les nombreuses interventions de son administration sur ses revenus de taxation qui « ne suffisent plus à financer les responsabilités qui lui incombent en tant que métropole du Québec »(8), nous recommandons à l’administration de ramener les dépenses de rémunération à un niveau plus raisonnable afin de trouver les fonds nécessaires pour réaliser ses mandats, plutôt que de piger davantage dans les poches des Montréalais et Montréalaises.

Pour ce faire, nous proposons deux options à court terme :

  1. Gel salarial et gel des embauches
    Épargne estimée : 92,5 millions de dollars en 2024
  2. Diminution de 10 pour cent des dépenses de rémunération
    Épargne estimée : 270,7 millions de dollars en 2024

À court terme, ces solutions permettraient à la ville de surmonter une bonne part de ses défis budgétaires. Il va de soi cependant que dans un horizon à moyen et long terme, la Ville devra s’attaquer plus sérieusement à la question de ses dépenses de rémunération.

L’écart démesuré entre la rémunération de ses fonctionnaires et de ceux qui effectuent des tâches similaires dans le secteur privé doit rétrécir. Un écart de 39,8 pour cent n’a rien de raisonnable, et il exerce une pression indue sur les finances de l’administration municipale. À terme, les renégociations de conventions collectives devraient tenir compte de cette réalité et l’administration devrait adopter une approche moins conciliante envers ses syndicats.

Un autre aspect que la Ville devrait explorer est la possibilité de déléguer certaines tâches à des fournisseurs de services indépendants. Certains corps de métiers, comme les policiers, ont une formation hautement spécialisée pour s’occuper de certains types de tâches, notamment les tâches d’enquête, mais passent une part importante(9) de leurs journées à effectuer des tâches administratives ne faisant pas appel aux compétences spécifiques justifiant leur haut niveau de rémunération.

En s’attaquant à la question de la rémunération démesurée ainsi qu’à celle de l’expertise et des tâches, la Ville générerait à terme d’importantes économies qui permettraient de restaurer la viabilité de ses finances sans puiser davantage dans les poches de ses citoyens et citoyennes.

Thème 2 : Reconnaître qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre tourisme et logement abordable

L’administration municipale actuelle semble lier le problème bien réel de l’abordabilité du logement et celui, prétendu, de la location touristique à court terme. En mars dernier, la mairesse de Montréal Valérie Plante parlait notamment du retrait de logements sur AirBnB comme d’une mesure « nécessaire pour lutter contre les Airbnb illégaux et pour pallier la crise du logement. »(10)

Nous trouvons qu’il est nécessaire de remettre les pendules à l’heure quant à l’offre de logements en location touristique à court terme et à l’ampleur du problème d’abordabilité.

En date du 28 décembre dernier, on pouvait recenser 13 621 annonces(11) pour des logements situés sur l’île de Montréal sur la plateforme de location touristique à court terme Airbnb. Ceux-ci s’inscrivent dans une multitude de catégories, allant d’un logement entier à des chambres partagées, en passant par des chambres d’hôtel. Dans le contexte du débat sur l’abordabilité du logement et afin d’éviter des dédoublements, nous retenons les 10 523 annonces où l’unité complète est mise en location.

À titre de comparaison, il faudrait construire 460 000(12) nouvelles unités d’habitation d’ici 2030 pour revenir à un niveau d’abordabilité adéquat, selon les estimations de la Communauté métropolitaine de Montréal – lesquelles se basent sur les chiffres de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Étant donné l’ampleur des besoins, il apparaît rapidement que l’incidence des 10 523 unités en location touristique à court terme est négligeable, voire pratiquement nulle, sur le problème d’abordabilité du logement.

Une autre façon de voir la situation est de comparer la taille du parc immobilier réservé à la location à court terme au nombre de nouvelles unités mises en construction annuellement sur le territoire montréalais. Au cours de l’année 2021 – la plus récente pour laquelle les données sont disponibles –, 30 204 unités(13) d’habitation ont été mises en chantier dans la grande région de Montréal. Autrement dit, il aura fallu l’équivalent de quatre mois en 2021 pour mettre en chantier autant de logements que l’ensemble du parc immobilier réservé à la location à court terme sur la plateforme Airbnb.

Une autre façon de traiter l’enjeu de l’abordabilité du logement est de comparer le nombre d’unités en location touristique à court terme sur la plateforme Airbnb aux possibilités de développement éliminées, retardées ou irréalisables à cause des demandes de la Ville.

Prenons l’exemple du secteur Bridge-Bonaventure, situé à un jet de pierre du centre-ville. Des promoteurs immobiliers y ont acquis bon nombre de terrains et souhaitaient y ériger un quartier densifié(14) de 12 000 à 15 000 unités pour autant de ménages montréalais. Après avoir revu ses propres plans de développement à la hausse, la Ville a plutôt proposé la création d’un quartier limité à 7 600 unités(15) résidentielles – coupant entre 4 400 et 7400 logements par rapport à la proposition des promoteurs – conditionnel à l’ajout d’une station de REM dans le quartier par la Caisse de dépôt.

Prenons aussi l’exemple du redéveloppement de l’ancien hippodrome Blue Bonnets, où la Ville de Montréal détient un terrain de 43 hectares(16), près d’axes de transport routier importants et d’infrastructures de transport en commun. La Ville y voit la construction potentielle de 6 000 unités résidentielles. Seulement, les conditions émises par l’administration municipale et le prix de vente proposé(17) pour le premier terrain mis en vente ont fait en sorte qu’aucun promoteur indépendant n’était prêt à soumissionner pour le terrain et à proposer un projet.

À eux seuls, ces deux projets de quartiers représentent entre 18 000 et 21 000 unités qui ont été annulées, retardées ou rendues irréalisables par les conditions de l’administration, soit jusqu’à deux fois plus que l’ensemble du parc immobilier se trouvant sur le site de locations touristiques à court terme Airbnb à la fin de la récente année.

Il faut donc se rendre à l’évidence : la location touristique à court terme a une incidence négligeable, voire pratiquement nulle, sur la question de l’abordabilité du logement à Montréal. Permettre aux Montréalais et Montréalaises d’augmenter l’offre touristique de la Ville n’est pas incompatible avec une offre de logements abordables, et nous recommandons à l’administration municipale de le reconnaître.

Thème 3 : Retirer la réglementation freinant la construction de logements

Si la location touristique à court terme a une incidence négligeable, voire pratiquement nulle, sur la question de l’abordabilité du logement, il est important de reconnaître que la réglementation limitant la construction de nouvelles unités résidentielles contribue quant à elle au problème.

Comme mentionné précédemment, la Communauté métropolitaine de Montréal estime, en se basant sur les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, qu’il faudrait bâtir 460 000 nouvelles unités(18) dans la grande région de Montréal afin de revenir à un niveau de prix qualifié d’abordable. Pour y arriver, il faudrait rehausser minimalement le nombre de mises en chantier annuelles à 55 000(19), bien plus que le niveau actuel moyen d’environ 25 000. Nous sommes donc devant un problème d’offre.

Considérant l’ampleur du défi et l’importance de l’enjeu pour les ménages montréalais qui peinent à joindre les deux bouts, il est crucial que la Ville s’attaque avec vigueur à ses pratiques et règlements qui restreignent la nouvelle offre de logements, que ce soit par l’entremise de frais de développement, de délais bureaucratiques, ou de politiques trop contraignantes qui augmentent artificiellement les coûts et prolongent les échéanciers de construction.

Le Règlement pour une métropole mixte, en vigueur depuis le 1er avril 2021(20), en est un excellent exemple. Aussi connu comme le « règlement 20-20-20 », ce règlement municipal oblige tout constructeur d’un projet de 450 m2 ou plus (environ cinq logements au minimum) à conclure une entente avec la Ville l’obligeant à inclure trois types de logements réglementés à sa construction : des logements dits sociaux, des logements dits abordables et des logements dits familiaux.

Le promoteur peut contribuer au volet social et abordable en intégrant ce type de logements au projet immobilier ou en versant une contribution financière à la ville de Montréal. Dans les deux cas, cela se traduit par une hausse des coûts de construction devant être assumée par les acheteurs ou locataires des unités restantes. Pour ce qui est des logements familiaux – comptant au moins cinq pièces –, le promoteur n’a d’autre choix que de les construire(21).

Bien que l’objectif de l’administration municipale ait été « [d’]assurer une meilleure offre de logements abordables » et de garantir « la mixité » dans la ville(22), cette réglementation augmente en fait les coûts de construction. Certains projets deviennent ainsi non rentables, et le prix de revient des unités des projets réalisés augmente, ce qui contribue à l’augmentation du prix du logement à Montréal.

À titre d’exemple, une étude récente de l’IEDM(23) s’est penchée sur le cas du projet Le Mansfield, qui proposait 13 979 m2 de superficie sur 225 logements au total. Pour un projet de cette ampleur, dans ce que le règlement qualifie de « zone de logement abordable 2 », le Règlement pour une métropole mixte à lui seul fait croître le coût de construction à 2 370 352 $, soit l’équivalent de 10 535 $ par logement.

Cette augmentation des coûts de construction se reflète directement dans les loyers payés dans les immeubles locatifs et dans les prix de vente des unités résidentielles. Ce montant de 10 535 $ par unité est le résultat direct d’un seul règlement et ne tient pas compte des effets indirects de la restriction de l’offre, ou encore des effets négatifs des nombreux autres politiques et règlements municipaux sur l’habitation.

Ce que nous proposons est donc une approche en deux temps :

  1. Abrogation du Règlement pour une métropole mixte : Permettrait de réduire les frais de développement et, ultimement, le prix des nouvelles unités, tout en facilitant le développement de nouvelles unités résidentielles, ce qui permettrait de rapprocher le nombre de nouvelles mises en chantier des 55 000 qui sont annuellement nécessaires pour restaurer l’abordabilité d’ici 2030.
  2. Revue exhaustive de la réglementation municipale entourant l’habitation avec la diminution des obstacles à la construction comme objectif : Permettrait de réduire les contraintes freinant la construction de nouvelles unités, ce qui contribuerait à endiguer le problème d’offre à la base de l’inabordabilité du logement dans la région métropolitaine.

Références

  1. Ville de Montréal, Budget 2023 et PDI 2023-2032 : Bâtir le Montréal de demain, 29 novembre 2022, p. 225.
  2. Ville de Montréal, Perspectives budgétaires 2024, 15 mars 2023, p. 16.
  3. Institut de la statistique du Québec, Rémunération des salariés : État et évolution comparés, 30 novembre 2022, Annexe G-1, p. 144.
  4. Centre sur la productivité et la prospérité du HEC Montréal, Le point sur la rémunération des effectifs dans les municipalités du Québec, novembre 2022, p. 12.
  5. Statistique Canada, Tableau 11-10-0055-01 : Les déclarants à revenu élevé, au Canada, 2020.
  6. Ville de Montréal, op. cit. note 1, p. 229; Ville de Montréal, op. cit. note 2, p. 16; calculs de l’auteur.
  7. Ville de Montréal, op. cit. note 1, p. 136; Ville de Montréal, op. cit. note 2, p. 16; calculs de l’auteur.
  8. Ville de Montréal, op. cit. note 2, p. 17.
  9. Krystle Wittevrongel et Olivier Rancourt, Laissons les policiers faire leur travail et les entrepreneurs s’occuper du reste, IEDM, Cahier de recherche, septembre 2021.
  10. Zacharie Goudreault, « Airbnb supprimera toutes les annonces illégales au Québec mardi prochain », Le Devoir, 24 mars 2023.
  11. Inside Airbnb, Montréal, consulté le 28 décembre 2022.
  12. Communauté métropolitaine de Montréal, Politique métropolitaine d’habitation, 24 novembre 2022, p. 43.
  13. Communauté métropolitaine de Montréal, Cahiers métropolitains : Portrait de l’habitation dans le grand Montréal, mai 2022, p. 61.
  14. Jeanne Corriveau, « Des promoteurs immobiliers accusent Montréal de ne pas les écouter », Le Devoir, 11 avril 2022.
  15. Audrey Sanikopoulos, « Bridge-Bonaventure : Montréal veut une station du REM pour développer des logements », Le Journal de Montréal, 29 mars 2023.
  16. Audrey Sanikopoulos, « Logements à l’ancien hippodrome : Montréal “surprise” du manque d’intérêt du privé », TVA Nouvelles, 20 février 2023.
  17. Stéphanie Grammond, « Arrêtons de tourner en rond à Blue Bonnets », La Presse, 1er février 2023.
  18. Communauté métropolitaine de Montréal, op. cit., note 12, p. 43.
  19. Ibid., p. 82.
  20. Ville de Montréal, Règlement pour une métropole mixte : Guide technique pour l’industrie de la construction, mars 2022, p. 3-4.
  21. Idem, p. 15.
  22. Ville de Montréal, « Règlement pour une métropole mixte », novembre 2020, p. 2.
  23. Celia Pinto Moreira, « Améliorer l’abordabilité des logements à Montréal en réglementant moins la construction », IEDM, Note économique, février 2023, p. 3.

 

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