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30 avril, 2023

Pourquoi la croissance économique est bonne pour la santé

 Ce Point a été préparé par Vincent Geloso, professeur adjoint d’économie à l’Université George Mason et économiste senior à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Dans certains milieux, il est de bon ton d’attaquer le concept de croissance économique lui-même. On entend parfois l’argument selon lequel des pays comme les États-Unis, qui sont exceptionnellement riches au regard du reste du monde, ont une espérance de vie à la naissance plus basse que d’autres pays à la richesse moins élevée. Pourtant, la relation positive entre croissance économique et espérance de vie est bien plus solide que ne le laissent présager ces comparaisons simplistes. En fait, les institutions qui génèrent de la croissance économique ont des effets à la fois directs et indirects sur notre capacité de vivre plus longtemps – et plus en santé.

L’idée d’une corrélation entre croissance économique et état de santé ne date pas d’hier(1). Il est généralement présumé qu’un revenu supérieur se traduit par une alimentation plus stable et équilibrée qui protège de nombreuses maladies et des retards de croissance dus aux périodes de privation(2). Ces effets sont particulièrement visibles chez les enfants qui profitent d’un avantage nutritionnel évident pendant leur croissance grâce aux revenus élevés de leurs parents. Ces bienfaits pour la santé engendrent à leur tour une croissance économique, car les personnes qui en profitent vivent plus longtemps, plus en santé et tendent à être plus productifs : c’est un cercle vertueux(3).

Cette relation directe, cela dit, n’explique pas la majorité des reculs des taux de mortalité (et donc les augmentations de l’espérance de vie)(4). La corrélation est plutôt forte lorsque les revenus et l’espérance de vie sont faibles, de sorte que l’augmentation d’un revenu très faible génère d’importants effets positifs, mais les gains s’amenuisent au-delà d’un certain niveau de vie. Ainsi, bien que toute hausse de revenu soit avantageuse pour la santé, ses effets positifs sont de moins en moins évidents à mesure qu’un pays s’enrichit(5).

Plusieurs mettent alors l’accent sur les interventions de santé publique comme moteur

d’amélioration lorsque les revenus sont élevés(6). Cependant, trois problèmes émergent si l’on néglige le rôle important de la croissance économique dans l’amélioration de la santé et de la longévité. D’abord, une grande proportion de la population mondiale est encore plutôt pauvre et peut donc bénéficier considérablement de la croissance économique. Ensuite, les interventions de l’État sont généralement plus efficaces dans les sociétés riches, car la croissance économique rend possibles les interventions ou permet au secteur public de concevoir et de déployer de nouvelles technologies(7). Et enfin, le plus important, c’est qu’il y a une limite biologique à l’espérance de vie, qui explique la diminution des avantages pour la santé au-delà d’un certain point.

Un meilleur indicateur de l’espérance de vie

Il est plus facile de faire d’importants gains si l’espérance de vie est très faible que si elle est déjà élevée. Cet obstacle purement biologique fait en sorte qu’il est presque assuré de voir les avantages de la croissance économique s’aplanir, et ces limites biologiques sont difficiles (mais pas impossibles) à repousser.

Qui plus est, les pays qui se rapprochent de ces limites ont aussi vu une nette diminution du temps de vie en état d’invalidité, les personnes âgées étant plus susceptibles de conserver une bonne santé physique et mentale(8). Comme la qualité de chaque année vécue importe, au-delà du nombre d’années de vie, le recours à la simple espérance de vie à la naissance peut laisser dans l’ombre des aspects importants.

C’est pourquoi de nombreux économistes proposent d’utiliser un indice d’espérance de vie qui accorde plus de poids aux réalisations possibles à l’approche de nos limites biologiques(9). Après tout, il est bien plus impressionnant d’augmenter l’espérance de vie d’un an lorsque la moyenne est déjà de 85 ans ou plus que lorsqu’elle est de seulement 35 ans. La Figure 1 illustre la corrélation ajustée généralement employée par ces économistes(10). On y voit qu’une fois la difficulté de réaliser des gains prise en compte, les effets des revenus sur la capacité de progression ne s’affaiblissent pas.

Rôle de l’innovation pharmaceutique et des institutions

Notre capacité à surmonter des problèmes de santé complexes en nous enrichissant est bien illustrée par le développement pharmaceutique. En effet, l’innovation constante en biopharmaceutique permet aujourd’hui le traitement de maladies autrefois considérées comme incurables. Ces avancées ont réduit d’une part les taux de mortalité, et de l’autre, les taux d’invalidité, de sorte que l’espérance de vie en santé a augmenté.

Selon une étude portant sur 52 pays, la mise au point de nouveaux médicaments a été responsable de 40 % des gains d’espérance de vie entre 1986 et 2000(11). D’autres études montrent qu’une proportion non négligeable de ces gains dans des pays riches comme les États-Unis et la Nouvelle-Zélande sont attribuables à la réduction des risques de mortalité après 65 ans(12).

Les investissements requis pour créer de nouveaux médicaments sont beaucoup plus faciles à faire dans les sociétés riches, qui peuvent se permettre de dépenser davantage en recherche et développement(13). Qui plus est, les chercheurs, inventeurs et entrepreneurs qui s’engagent dans de longs et coûteux projets de recherche et de développement ont besoin d’une garantie que les fruits de leur labeur ne seront pas confisqués ou restreints en raison de politiques gouvernementales.

C’est pourquoi certains éléments de liberté économique, comme la protection des droits de propriété et le libre cours des marchés, sont intimement liés à la capacité de faire ces investissements. Il est aussi à noter que les sociétés économiquement libres enregistrent généralement une croissance économique beaucoup plus rapide et des revenus plus élevés que les sociétés moins libres(14), ce qui, répétons-le, favorise directement la mise au point de nouvelles techniques médicales et de nouveaux traitements biopharmaceutiques(15).

En bref, on ne peut détacher les institutions productrices de croissance économique de celles qui améliorent la santé de la population.

Références

  1. Thomas McKeown, The Modern Rise of Population, Edward Arnold, 1976; M. C. Buer, Health, Wealth and Population in the Early Days of the Industrial Revolution, London Routledge et Kegan Paul, 1926.
  2. Bernard Harris, « Public Health, Nutrition, and the Decline of Mortality: The McKeown Thesis Revisited », Social History of Medicine, vol. 17, no 3, décembre 2004, p. 379-407.
  3. Lorenzo Rocco et al., « Mortality, morbidity and economic growth », Plos one, vol. 16, no 5, mai 2021, p. 9.
  4. Jonathan Chapman, « The contribution of infrastructure investment to Britain’s urban mortality decline, 1861-1900 », The Economic History Review, vol. 72, no 1, février 2019, p. 233-259.
  5. Samuel H. Preston, « The changing relation between mortality and level of economic development », Population Studies, vol. 29, no 2, juillet 1975, p. 231-248.
  6. Louis Cain et Elyce Rotella, « Death and spending: Urban mortality and municipal expenditure on sanitation », Annales de démographie historique, vol. 101, no 1, 2001, p. 143.
  7. Werner Troesken, The Pox of Liberty, University of Chicago Press, 2015; Werner Troesken, « Typhoid Rates and the Public Acquisition of Private Waterworks, 1880-1920 », Journal of Economic History, vol. 59, no 4, décembre 1999, p. 927-948; Vincent Geloso, Kelly Hyde et Ilia Murtazashvili, « Pandemics, economic freedom, and institutional trade-offs », European
    Journal of Law and Economics, vol. 54, no 1, 2022, p. 37-61.
  8. Simon I. Hay et al., « Global, regional, and national disability-adjusted life-years (DALYs) for 333 diseases and injuries and healthy life expectancy (HALE) for 195 countries and territories, 1990–2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016 », The Lancet, vol. 390, 16 septembre 2017, p. 1260.
  9. Leandro Prados de la Escosura, « Health, Income, and the Preston Curve: A Long View », Economics and Human Biology, vol. 48, janvier 2023, p. 8-9; Nanak Kakwani, « Performance in living standards: An international comparison », Journal of Development Economics, vol. 41, no 2, 1993, p. 307-336.
  10. Il est question de la transformation de Kakwani, dont la formule mathématique est la suivante : 
  11. Frank Lichtenberg, « The Impact of New Drug Launches on Longevity: Evidence from Longitudinal Disease-Level Data from 52 Countries, 1982-2001 », document de travail du National Bureau of Economic Research, (w9754), juin 2003, p. 1.
  12. Frank Lichtenberg, « The Impact of New Drugs on US Longevity and Medical Expenditure, 1990–2003: Evidence from Longitudinal, Disease-Level Data », The American Economic Review, vol. 97, no 2, mai 2007, p. 438-443; Frank Lichtenberg, « The impact of pharmaceutical innovation on the longevity and hospitalization of New Zealand cancer patients, 1998–2017 », Expert Review of Pharmacoeconomics & Outcomes Research, vol. 21, no 3, 15 mars 2021, p. 457-475.
  13. Paul Heney, « Global R&D investments unabated in spending growth », R&D World, 19 mars 2020.
  14. Joshua Hall et Robert Lawson, « Economic Freedom of the World: An Accounting of the Literature », Contemporary Economic Policy, vol. 32, no 1, janvier 2014, p. 1-19.
  15. Yi Qian, « Do National Patent Laws Stimulate Domestic Innovation in a Global Patenting Environment? A Cross-Country Analysis of Pharmaceutical Patent Protection, 1978-2002 », The Review of Economics and Statistics, vol. 89, no 3, août 2007, p. 436.

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