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10 novembre, 2022

Comment le respect du prix du marché maximise les échanges

Par Hadrien Gournay.

Face aux velléités de contrôle des prix dans les pays développés et devant leurs résultats désastreux dans certains pays en développement, les libéraux ont une attitude constante : rappeler que fixer les prix à un niveau inférieur à celui du marché conduit inéluctablement à rendre les biens disponibles en moins grande quantité pour le consommateur.

Cette vérité ne fait cependant pas percevoir avec suffisamment de clarté la raison pour laquelle le prix du marché serait par nature préférable au prix que l’autorité serait tentée de lui substituer. Cette critique des prix administrés énonce que les produits seront rendus plus disponibles à mesure qu’ils s’approcheront du prix du marché. En revanche, elle ne permet pas de comprendre pourquoi la hausse des prix n’aurait plus cet effet au-delà de ce niveau. Un interventionniste malin pourrait demander ironiquement ce qui fait qu’on s’arrête en si bon chemin…

Pour résoudre ce problème, nous rappellerons pourquoi laisser les prix se former librement par le jeu de l’offre et de la demande contribue à rendre le plus grand nombre d’échanges entre protagonistes du marché possible, notion très proche de celle de « meilleur prix ».

Après avoir développé le raisonnement qui permet d’arriver à ce principe général, nous tenterons d’en évaluer les implications politiques, en étudiant les cas où il s’applique manifestement et en réfléchissant aux exceptions possibles.

 

Prix du marché et nombre d’échange optimal

Le prix du marché est celui où les échanges sont les plus abondants parce que 1°) le prix où l’offre et la demande s’équilibrent est celui où les échanges réalisés sont les plus abondants et 2°) que le prix du marché est celui où l’offre et la demande s’équilibrent.

1- Le prix où l’offre et la demande s’équilibrent est celui où les échanges réalisés sont les plus abondants.

Intentions de vente et d’achat correspondent au fait de manifester la volonté de vendre ou d’acheter un produit à un prix donné. À mesure que le prix augmente, les offres de vente augmentent et les offres d’achat diminuent. Le prix d’équilibre est celui où les courbes se croisent et où les vendeurs sont aussi nombreux que les acheteurs.

Comme il faut être deux pour conclure un contrat, le nombre de contrats réellement finalisés à raison d’un prix donné correspond toujours à celui de la catégorie d’offre la plus faible pour ce prix, qu’il s’agisse des offres de vente ou des offres d’achat.

Or, le prix d’équilibre est, par rapport aux autres prix, celui dans lequel la catégorie la plus faible est la plus élevée. En effet, si le prix était plus haut, le nombre d’acheteurs diminuerait nécessairement et inversement le nombre de vendeurs si le prix était plus bas.

Le prix d’équilibre est celui où la catégorie la plus faible est la plus élevée, et c’est le niveau de la catégorie d’offre la plus faible qui détermine le nombre de contrats conclus.

C’est donc au prix d’équilibre que le nombre de contrats conclus sera le plus grand.

Comment des graphiques permettent-ils de visualiser ces raisonnements.

Ce premier graphique montre pour un produit quelconque les intentions de vente et d’achat d’un produit donné en fonction du prix.

Intentions de vente et d'achat en fonction du prix

Ce second graphique présente le nombre de contrats effectivement conclus en fonction des données du précédent graphique :

Nombre de transactions en fonction du prix

2 – Lorsque les prix sont formés librement dans les conditions du marché, offre et demande s’équilibrent.

Si pour un prix donné il y a plus de producteurs que d’acheteurs, les producteurs baisseront leurs prix (où iront vers d’autres productions s’ils ne peuvent être rentables). Les consommateurs seront plus nombreux, jusqu’à ce qu’offre et demande s’équilibrent.

S’il y a plus de consommateurs que d’acheteurs, les producteurs peuvent augmenter leur prix et/ou leur production. Les consommateurs seront moins nombreux, jusqu’à ce qu’offre et demande s’équilibrent.

Le prix du marché est celui qui permet aux parties, vendeurs comme acheteurs de conclure un contrat le plus facilement.

Cela nous permet de répondre à la question que nous avions soulevée en introduction concernant les consommateurs, et de préciser la raison pour laquelle il est inutile d’augmenter le prix au-delà du marché. Tant que le prix d’équilibre n’est pas atteint, l’augmentation du prix est intéressante pour les consommateurs car elle augmente les biens disponibles et le nombre de contrats conclus, ce qui fait plus que compenser l’inconvénient que l’augmentation du prix présente par elle-même. En revanche, à partir du prix d’équilibre, attirer plus de producteurs n’est pas intéressant à partir du moment où ceux-ci deviennent plus nombreux que les acheteurs. La pénurie ayant déjà disparu, l’augmentation des prix n’a plus les effets positifs qu’elle avait à cet égard et seuls ses défauts demeurent. Tant que les prix sont inférieurs au prix du marché, les consommateurs sont intéressés par des produits qui ne sont pas disponibles, au-delà, la disponibilité des produits augmente mais les consommateurs ne sont plus intéressés par cette disponibilité accrue.

Nous pourrions faire des commentaires identiques si nous prenions en compte l’intérêt des producteurs.

3 – Correctifs

Ensuite, il faut faire deux correctifs aux explications précédentes (et notamment aux graphiques) pour les approcher des situations réelles.

Dans la réalité, il n’y a pas réellement un prix du marché mais autant de prix que de producteurs en raison de leurs contraintes spécifiques ; et l’autorité fixe le plus souvent un prix maximum ou minimum. Dans ce cas, le nombre de contrats conclus avec ces prix minimum ou maximum sera toujours inférieur au nombre de contrats qui auraient été conclus en dessous ou au dessus de ce prix.

Ensuite, le graphique des intentions de vente et d’achat montre une symétrie entre vendeurs et acheteurs qui n’est pas présente dans la réalité pour la raison que les vendeurs anticipent le retrait des consommateurs lorsque le prix est trop élevé, ce qui fait que les intentions de vente devraient chuter au-delà du prix d’équilibre. Les consommateurs n’ont pas le même comportement quand les prix sont bas et restent en tout cas potentiellement intéressés. Pour justifier l’évolution de la courbe des intentions de vente lorsque le prix dépasse le prix d’équilibre il faudrait préciser que c’est pour le cas virtuel où dans l’esprit des producteurs cela ne modifierait pas les intentions d’achat par rapport au prix d’équilibre.

 

Implications politiques

Le principe connait de très larges applications dont les implications en termes de politiques publiques sont considérables. Il s’applique même au-delà de la question du prix à l’ensemble des obligations réciproques qui constituent l’équilibre d’un contrat. Chaque fois que le législateur où la puissance publique tentent de « rééquilibrer » un contrat en faveur d’une partie jugée « faible », il est presque certain de nuire aux intérêts de celle-ci.

Les exemples les plus notables sont certainement ceux du marché de l’emploi, du logement ou des produits de première nécessité. Le contrôle des loyers réduit l’offre de logement, la législation du travail et les difficultés à licencier découragent l’embauche, le salaire minimum empêche l’emploi des moins qualifiés, la baisse des prix de produits de première nécessité est synonyme de pénurie.

Voici une liste d’articles parus sur Contrepoints concernant ces questions :

 Marché du logement :

 Marché de l’emploi

 Produits de première nécessité

 

Les limites et exceptions au principe

Le principe selon lequel tenter de rééquilibrer par la loi un contrat est voué à l’échec est-il pour autant sans limite ?

Il est possible que dans un secteur donné les prix permettent une rentabilité moyenne très élevée. Dans ce cas, même si leur bénéfice diminue un peu, poursuivre l’activité en question reste avantageux pour les producteurs. L’effet d’une baisse règlementaire de prix sur le volume des transactions ne serait-il pas supprimé ?

En premier lieu, même si le profit moyen d’un secteur est très élevé, ce n’est pas nécessairement le cas de tous les acteurs de ce secteur. Il y aura bien un effet immédiat assez faible sur le volume des transactions.

Ensuite et surtout, si un secteur offre des profits considérables et nettement supérieurs à ceux qui ont cours dans le reste de l’économie, de nombreux investisseurs tenteront de pénétrer le secteur. Si l’intervention publique réduit préalablement la rémunération du secteur par des prix imposés, ils seront dissuadés de le faire et de contribuer indirectement à modérer prix et profits. Au final, l’intervention publique aura bien réduit l’offre dans le secteur considéré par rapport à son potentiel, même si elle est quasiment restée stable dans le temps. C’est l’inverse pour les prix. Ceux-ci ont diminué dans le temps mais à terme leur niveau sera comparable à celui qui aurait été atteint sans intervention.

Par ailleurs, le cas où la masse d’une catégorie de parties à un contrat donné (par exemple les consommateurs) n’est pas suffisamment consciente des termes du contrat dans lequel elle s’engage mérite d’être étudié. Cela peut-être le cas d’un contrat d’assurance dont la longueur des conditions générales dissuade un trop grand nombre de personnes d’en prendre sérieusement connaissance.

A priori, le marché peut répondre à un trop grand avantage d’une catégorie à un contrat de deux manières : par la concurrence entre les acteurs déjà présents sur le marché en question, par la concurrence liée à l’introduction de nouveaux acteurs.

Ces mécanismes risquent d’être grippés lorsque la comparaison des contrats nécessite un travail minutieux et que l’application de la clause en question crée un préjudice important mais trop rare pour inciter le consommateur moyen à faire jouer pleinement la concurrence.

Du même coup, les entreprises ne seront guère incitées à conquérir des parts de marché en présentant un produit meilleur que leurs concurrents pour ce type de clauses : tant qu’il ne sera pas décidé à vérifier sérieusement l’information par lui-même, la communication sur la qualité du produit ne permettra guère au consommateur de savoir si celle-ci est réelle ou ne relève au contraire que de la communication.

La concurrence liée à l’introduction de nouveaux accords peut alors avoir des effets bénéfiques. D’ailleurs, si le marché confère ainsi un tel avantage aux entreprises qui y sont présentes, il est à prévoir que de nouvelles entreprises seront attirées vers lui. Alors, si les acteurs du marché restent réticents à faire disparaitre ce type de clause, il est à prévoir que la concurrence diminuera leurs avantages sur d’autres aspects (par exemple, les prix). Tout est-il alors rentré dans l’ordre ? Non, car cet équilibre moyen n’est guère satisfaisant pour le consommateur pour qui la sécurité est un aspect très important.

Il y aurait donc davantage d’arguments en faveur de l’intervention du législateur face à ce type de clause.

La discussion peut être prolongée sous l’angle de la morale : le consommateur n’est-il pas responsable de s’informer des qualités des produits et services qu’il achète ? Et cela a des implications sur les effets d’une telle politique. Ces interventions ne risquent-elles pas de donner aux consommateurs le sentiment d’une protection destinée en réalité à rester trop incomplète pour n’être pas illusoire ? Mais les sociétés qui incluent de telles clauses dans les contrats qu’elles proposent ne comptent-elles pas sur l’ignorance de leurs clients sur ce qu’ils achètent réellement pour faire fructifier leurs affaires ? Une sanction n’est-elle pas aussi légitime qu’utile ? 

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