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04 février, 2021

Gauche et droite : la fin ?

 Le contenu idéologique du clivage gauche-droite est en voie d’obsolescence. Mais cela ne signifie pas que conservatisme et progressisme ont disparu.

Êtes-vous de gauche ou de droite ? Nombreux sont ceux qui peuvent répondre sans hésiter à cette question. Ils votent d’un côté ou de l’autre avec constance. Mais il existe aussi des personnes, sans doute de plus en plus nombreuses, qui ne se sentent ni de gauche ni de droite. Elles sont « en même temps » de gauche et de droite. Cela dépend des sujets.

Comment évolue l’opinion en France sur l’axe gauche-droite ? Quel est le contenu idéologique de leur positionnement ?

COMBIEN PÈSENT LA GAUCHE ET LA DROITE AUJOURD’HUI ?

Un sondage de l’IFOP pour Le Point, de juillet 2020, permet de conclure que le positionnement gauche-droite subsiste dans l’esprit des Français. Interrogés sur leur appartenance politique, ils se positionnent à 13 % à gauche, à 32 % au centre et à 39 % à droite. 16 % d’entre eux refusent de se prononcer.

Par rapport aux sondages des années précédentes, la gauche recule, le centre également. La droite progresse. Mais ces faibles évolutions ne portent que sur quelques points.

C’est le refus de se positionner sur l’axe gauche-droite qui progresse le plus : de 11 % en 2017 à 16 % en 2020. En additionnant les centristes et ceux qui ne se prononcent pas, on obtient environ la moitié des sondés.

En définitive, la moitié des Français accepte donc de jouer le jeu du clivage gauche-droite et l’autre moitié ne l’accepte pas. Pourquoi ?

La première réponse est liée à la radicalisation croissante des positionnements, avec en particulier le Rassemblement national à droite et La France insoumise à gauche. Beaucoup refusent un tel choix.

Les partis traditionnels plus modérés (LR et PS) sont en recul. Emmanuel Macron étant parvenu à synthétiser gauche modérée et droite modérée, il séduit l’électorat de sensibilité centriste.

La seconde réponse, la plus importante historiquement, suppose une analyse des contenus idéologiques gauche-droite. Ils sont en voie d’obsolescence.

LA PERTE DES REPÈRES TRADITIONNELS

Les clivages politiques doivent s’ancrer dans leur époque. Aussi sont-ils très évolutifs. Le XIXe siècle a vu s’opposer monarchistes et républicains. Le clivage comportait aussi une opposition entre autoritarisme et libéralisme. Les monarchistes observaient avec inquiétude le développement des libertés quand les républicains militaient pour leur extension.

Au XXe siècle, le libéralisme économique et le marxisme s’affrontent. Communistes et socialistes veulent étendre largement le rôle de l’État au motif de réduire les inégalités. Les libéraux, bien évidemment, privilégient la liberté individuelle. L’égalité par la contrainte étatique leur apparaît antidémocratique.

La gauche plus ou moins marxisante considère au contraire que la démocratie suppose une égalisation rapide des niveaux de vie par les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques.

Si on examine aujourd’hui le résultat de cette opposition d’un siècle entre libéraux et socialistes, il est évident que les socialistes ont largement réalisé le programme qu’ils s’étaient fixés. Les économies occidentales sont devenues structurellement sociales-démocrates. Lorsqu’elle gouverne, la droite ne réduit jamais significativement les prélèvements obligatoires.

La gauche a donc accompli sa mission historique. De son côté, la droite a renoncé au libéralisme économique. Même si une petite résistance s’est fait jour à la fin du XXe siècle dans les pays anglo-saxons avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan, elle n’a été qu’un feu de paille.

Que sont la droite et la gauche désormais, au-delà des incantations sur le libéralisme et le socialisme ?

La réponse est toute simple : rien. Certes, l’écologisme politique a fait son apparition. Mais chacun picore un peu dans l’assiette écologiste, considérée comme porteuse électoralement.

ANYWHERE ET SOMEWHERE

Certains analystes ont fait émerger d’autres clivages. Mais ils sont un constat sociologique et non un corpus idéologique comme l’ancienne opposition gauche-droite.

Le britannique David Goodhart a opposé les anywhere, élite intégrée, mobile et progressiste, aux somewhere, populations ancrées dans un territoire et dans un système de valeurs traditionnelles. Les manifestations socio-politiques de ce nouveau clivage apparaissent au grand jour depuis plusieurs années.

Il s’agit de révoltes populaires, sortes de jacqueries modernes : Gilets jaunes en France, trumpisme, refus de la défaite électorale et invasion du Capitole aux États-Unis. Ce sont donc les somewhere qui manifestent bruyamment, et parfois violemment, leur désarroi face à un monde qu’ils ne comprennent plus.

Mais, en vérité, leur agitation révèle leur faiblesse. L’humanité étant une aventure spatio-temporelle (l’évolution des Homo sapiens sur notre petite planète), l’immobilisme n’existe jamais à l’échelle historique. Le vent de l’Histoire nous porte inéluctablement vers la destruction créatrice et celle-ci induit les changements sociaux et politiques.

Marx n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il affirmait que les infrastructures technico-économiques déterminent les superstructures juridiques et politiques. Encore faut-il raisonner de ce point de vue sur plusieurs siècles. Les NBIC auront infiniment plus d’importance que les manifestations des trumpistes ou des Gilets jaunes ou que les divagations de l’ultra-gauche sur le racialisme, le décolonialisme et la théorie du genre.

Si, par exemple, le genre supplante le sexe, ce ne sera pas par le droit et la politique mais par les biotechnologies. Autrement dit, l’indifférenciation des genres résultera d’une évolution technologique des modalités de la procréation humaine.

Les somewhere n’ont donc aucune chance de gagner. Ils représentent le passé et craignent l’avenir. Ils constituent le conservatisme actuel, la droite si l’on veut maintenir ce vocabulaire. Ils pourront avoir ici ou là une influence politique de court terme. Mais le conservatisme, par définition, est appelé à être rapidement dépassé.

Le désespoir des vaincus de l’évolution historique n’en reste pas moins émouvant, surtout lorsqu’il se manifeste avec la candeur enfantine d’un porteur de cornes de bison dans les couloirs du Capitole. Les plus lucides des conservateurs ont toujours eu une conscience aiguë du tragique de leur situation. Car c’est l’Histoire qui les abandonne. Ainsi, Chateaubriand commençait-il ses Mémoires d’Outre-tombe avec cette phrase célèbre :

« Le 4 septembre prochain, j’aurai atteint ma soixante-dix-huitième année : il est bien temps que je quitte un monde qui me quitte et que je ne regrette pas. »

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