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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

03 août, 2008

Pour une société sans État (2e partie)

André Dorais

L’ordre public renvoie à une idée de justice, mais celle-ci ne renvoie pas nécessairement à l’État. Dès lors qu’on s’en remet à lui pour maintenir l’ordre ou rendre un service quelconque à la population, on accepte implicitement qu’il soutire aux contribuables une partie de leur richesse. Le consentement de ceux-ci est souhaitable, mais non nécessaire. Cette façon de procéder exclut d’emblée les conceptions de la justice qui refusent l’usage de moyens non volontaires pour arriver à ses fins. Pour la même raison, elle ne peut être considérée universelle. Une justice qui se veut universelle ne peut pas passer par l’État.

L’État n’a pas de rôle préétabli, il ne constitue qu’une façon parmi d’autres de régir les relations humaines. On critique aisément certaines façons de l’administrer, voire certains régimes politiques, mais on n’ose pas le remettre lui-même en question. On se contente d’en chercher le bon modèle. Certaines gens pensent que la démocratie en constitue la forme achevée, mais puisqu’elle tend à se substituer au marché on peut aussi se demander si elle est viable. En effet, en remplaçant les choix individuels par des choix de groupes, voire les choix personnels des politiciens, on accroît l’insatisfaction et celle-ci fait appel à des changements. Les politiciens se font entrepreneurs, mais avec l’argent d’autrui et sans leur consentement, du moins tout au plus le consentement flou d’une majorité constituant rarement plus de 40% des électeurs. La légitimité de ce processus est pour le moins douteuse.

On tend à attribuer une plus grande légitimité à la démocratie parce qu’elle fait participer les gens aux décisions de l’État. Cela sous-entend qu’il a un rôle en particulier, alors que la démocratie tend à s’immiscer dans tous les secteurs d’activités. Elle s’arroge de plus en plus les pouvoirs qui relevaient autrefois des individus, de sorte qu’ils participent de moins en moins aux décisions qui les concernent. Leur participation aux décisions de l’État se limite à voter sur ses multiples prises de contrôle : garderies, transport en commun, électricité, éducation, assurances en tous genres (médicaments, santé, emploi, automobile), etc.

Qu’on participe ou non à ce processus ne signifie pas qu’on l’approuve. On ne fait pas allusion aux mauvais perdants, soit ceux qui acceptent les règles du jeu mais non ses résultats. On fait plutôt allusion à ceux qui ne participeraient pas à la démocratie, ou plus généralement à l’État, s’ils en avaient le choix. Ces gens-là sont volés au sens strict du terme puisqu’on prend, contre leur gré, ce qui leur appartient. On ne peut pas nier cette réalité sous le prétexte qu’ils participent au processus, car ils y participent malgré eux. Dès lors qu’on en est conscient et qu’on ne fait rien pour y remédier, on devient complice de vol. On cherche en vain à s’en défendre et à le justifier.

La démocratie réapparaît, après quelque 2 000 ans d’absence, dans l’espoir d’obtenir d’elle plus de libertés que sous les régimes monarchiques qui la précèdent. On reconnaît les «droits de l’homme», mais à l’intérieur du cadre démocratique. Il s’agit d’une grave erreur, car ce faisant on accorde plus d’importance au processus qu’aux libertés que l’on cherche à protéger. Or, la légitimité d’un régime ne tient pas au nombre de participants, mais aux libertés qu’il sous-tend.

Parmi ces libertés, on retrouve celle de disposer de ses biens comme on l’entend. Elle est importante puisqu’elle affecte toutes les autres. Or, pas un État ne la respecte, mais la démocratie est parmi les régimes qui la respectent le moins. Dire qu’il ne peut en être autrement est plutôt faux que vrai. C’est vrai uniquement au sens où il est dans la nature de l’État de taxer les gens pour les servir. C’est faux puisqu’il existe d’autres moyens, plus légitimes et plus efficaces, de régir les relations humaines.

Lorsqu’on reconnaît la nature coercitive de l’État, tout le discours qui cherche à le justifier via l’éthique tombe à l’eau. Cela ne signifie pas que la justice soit sourde aux bienfaits du partage des richesses, mais plutôt qu’elle n’accepte pas l’idée que des gens, élus ou non, puissent prendre l’initiative de forcer autrui à partager les leurs. Dans la mesure où l’on cherche toujours à le justifier, on se rabat sur le mode économique, soit des critères d’efficacité. Cela sous-entend que taxer et imposer des gens contre leur gré peut donner de bons résultats. C’est le non-dit des calculs utilitaristes : le plus grand bonheur pour le plus grand nombre et au diable les autres. Parce qu’il y a des gens au pouvoir qui prétendent savoir ce qui est bon pour la majorité, ils se permettent de taxer et d’imposer tout le monde. L’argument qui se voulait économique se traduit rapidement par un argument de nature éthique. On tourne en rond. On cherche à noyer le poisson. C’est plus rassurant que de remettre en question ses croyances.

Puisque l’État n’a que faire du consentement de chaque individu, tant qu’on restera sous son emprise l’idée de justice universelle ne sera qu’un espoir vain. Bien que toutes les conceptions de la justice reconnaissent que l’on ne doit ni tuer, ni voler un homme, aucune d’entre elles, à ma connaissance, ne désapprouvent la taxation et l’imposition. Au contraire, plusieurs encouragent l’utilisation de ces pouvoirs et souvent à leurs propres fins. Or, la différence entre voler quelqu’un et le taxer, ou l’imposer, ne réside pas dans le consentement de celui-ci, mais dans le consentement des autres à lui prendre contre son gré ce qui lui appartient. Après on se demande pourquoi certaines gens sont aussi cyniques!

Les fondements d’une justice universelle ne sont pas compliqués, mais exigeants : non-agression de l’individu et respect intégral de ce qui lui appartient. Ces principes ne souffrent d’aucune exception. Ils constituent le gage d’une égalité de principe entre les hommes. Ils impliquent que la taxation et l’imposition devraient être utilisées uniquement par ceux qui y consentent. Ce qui signifie, à son tour, que les gens devraient être libres de se dissocier de l’État. On peut prédire que ceux qui en détiennent le pouvoir ne le permettront pas. Ils préfèrent imposer à tout le monde leur idée du bien. Qui a dit que le fondamentalisme était uniquement religieux? Il existe plusieurs façons de dénoncer cette injustice, mais les meilleures sont également les plus légitimes. Elles passent par l’éducation et la recherche d’alternative. Dans cette perspective, on peut se demander à quoi ressemblerait l’institution judiciaire dans un monde non monopolisé par l’État.

On parle de justice universelle uniquement en référence aux principes de base : non-agression et respect de la propriété. Ces préceptes sont reconnus par toutes les conceptions de la justice, seule l’extension qu’elles leur attribuent varie d’une à l’autre. Celle-ci diffère, notamment, selon qu’on se met en tête de distinguer la justice selon un registre éthique ou politique. Or, cette distinction n’a pas lieu d’être puisque toutes deux se fondent sur des normes d’action. Et dans la mesure où l’on fait abstraction de la question de dieu, les morales religieuses se retrouvent sur le même plan puisque leurs prescriptions sont essentiellement de même nature.

La justice dont il est ici question est la même pour tous. La notion d’égalité en fait partie, mais celle-ci se veut dans les moyens de la rendre plutôt que ses résultats. Il s’agit d’une égalité de principe, non économique : reconnaître ce qui distingue les uns des autres tout en les traitant en égal; n’agresser autrui, et lui soutirer les fruits de son travail, sous aucun prétexte. Ces principes offrent à chacun les libertés qui lui permettent de s’épanouir et de se distinguer sans nuire aux autres.

Pour une justice concurrentielle

S’il n’y a pas de concurrence dans les principes de justice, il ne s’ensuit pas qu’il ne doive pas en avoir dans la façon de la rendre. En effet, dès lors qu’on préconise des principes qui excluent le rôle de l’État, on doit être conséquent et réaliser qu’il ne peut en être autrement pour les procès en justice et les sanctions rendues. On peut distinguer la justice au sens des normes prescrites par le droit, l’éthique ou la religion d’une part et, d’autre part, au sens des sanctions rendues par elles et lui. On peut également diviser en deux les services offerts par l’institution judiciaire, soit l’instruction des procès et les sanctions à proprement parler. Chacun de ces services exigent des qualités particulières qui se prêtent bien à la concurrence.

On ne croit pas que l’instruction des procès, dans un régime concurrentiel, différerait à ce point de ce qui se fait présentement. C’est plutôt dans la sanction de ces procès que les différences pourraient être surprenantes. On n’a qu’à réitérer qu’il n’y aurait plus de contribuables pour financer les personnes reconnues coupables de crimes pour s’en convaincre. On peut également se rendre à cette évidence en effectuant un survol des sanctions données un peu partout dans le monde. Enfin, ce sujet est vaste et complexe, de sorte qu’on se contentera ici d’indiquer ce à quoi pourrait ressembler l’instruction des procès dans un monde sans État.

L’homme étant capable du meilleur et du pire il y aura toujours des crimes et des litiges, d’où le besoin de tribunaux. Cependant, dans un régime de liberté non seulement les tribunaux sont en concurrence, mais également les diverses conceptions de la justice dans la mesure où elles sont soumises aux principes de base. À moins d’adhérer à une conception particulière et forcément plus restrictive de la justice, les gens sont soumis uniquement à ces principes.

Ils sont incités à régler hors cour leurs conflits contractuels par l’entremise d’arbitres, avocats ou autres, spécialisés. Autrement, ils sont incités à s’affilier aux tribunaux de leurs choix via les entreprises vouées à leur sécurité. Les litiges non contractuels entre personnes affiliées à la même juridiction ne devraient pas causer de grandes difficultés dans la mesure où ils ne constituent rien de nouveau, si ce n’est que les juges, et le personnel nécessaire au bon déroulement des procès, seront payés par les consommateurs plutôt que les contribuables.

Les représentants des diverses conceptions de la justice auront à débattre leur point de vue respectif uniquement lorsque les litiges opposeront deux personnes affiliées à des juridictions différentes. Puisque ces individus ont tout intérêt à s’entendre pacifiquement, ils s’en remettront d’abord à leur assureur respectif pour négocier une entente. À défaut de celle-ci, les partis sont encouragés à porter leur différend devant un tribunal ou un arbitre mutuellement accepté. S’il n’y avait pas d’entente sur le choix d’un arbitre, il revient au plaignant de le choisir.

Advenant qu’un des partis conteste la décision de la cour (ou de l’arbitre), il pourra aller en appel. Les mêmes règles s’appliquent quant au choix du tribunal. Si le jugement de la cour d’appel allait dans le même sens que le jugement de la cour de première instance, il n’y a plus d’appel possible. La justice est en principe rendue. Si, toutefois, le jugement de la cour d’appel renversait celui de la cour de première instance, on pourrait choisir d’en appeler de la décision. On peut penser qu’il y aurait plus d’une cour suprême dans la mesure où l’on demande aux partis concernés de choisir un tribunal de leur choix.

Cette façon de procéder donne une chance raisonnable de faire entendre sa cause et, en ce sens, elle n’est pas très différente de ce qui se fait à l’heure actuelle dans plusieurs pays, dont le Canada. Sa principale différence consiste à être concurrentielle. Or, il n’y a pas de meilleure façon d’améliorer un service et, dans ce cas précis, de faire avancer l’idée de justice universelle.

La concurrence, dans un cadre respectueux de la propriété, a toujours servie le consommateur sans égard aux produits et services offerts. Suivant ce constat, non seulement on ne voit aucune raison de faire exception des services sous le contrôle de l’État, mais, au contraire, on juge que ce sont ces monopoles et quasi-monopoles qui constituent la source grandissante d’insatisfaction. Un monopole existe, sur une longue période, uniquement par la force de la loi, c’est-à-dire la contrainte. En substituant la liberté à la force on obtient plus de services et de meilleures qualités.

La force de la loi est tout aussi présente dans un régime de liberté, mais elle vient après la reconnaissance de celle-ci et uniquement pour la soutenir. L’homme reconnaît généralement la liberté comme valeur première et cherche à la faire respecter par l’entremise d’institutions vouées à cette fin. L’institution judiciaire et l’appareil coercitif qui l’appuie sont fondés sur l’idée de liberté et non le contraire. En d’autres mots, l’institution est secondaire au principe et doit être en accord avec lui.

Dans la mesure où l’idée de liberté, de propriété, ou encore de non-agression est appliquée systématiquement, l’État n’a plus aucun rôle à jouer pour améliorer la condition humaine. Dans ce monde, la quête de justice est tout aussi présente, mais elle n’est pas définie et interprétée par des gens qui travaillent pour lui. Les conflits d’intérêt sont réduits par la concurrence qui s’ensuit et la notion de justice tend vers des principes unificateurs, à l’avantage de tous.

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