Création de richesse: la convergence
Alain Dubuc
Collaboration spéciale, La Presse
Bien des gens de bonne volonté s'inquiètent de voir la logique de création de richesse s'imposer comme discours dominant et se retrouver par exemple dans les programmes des trois principaux partis politiques du Québec. Ils y voient le triomphe d'une pensée unique, la victoire de la pensée économique sur les préoccupations sociales.
C'est plutôt le contraire qui est en train de se produire. Si le thème de la création de richesse prend racine, c'est justement parce qu'il rassemble. Et s'il rassemble c'est parce qu'il est capable d'intégrer les objectifs de la croissance et les exigences de la solidarité.
Nous assistons à un phénomène important dans les sociétés avancées, celui de la convergence entre les intérêts économiques et les intérêts sociaux. La découverte, par ceux que l'idéologie séparait, que le succès économique sera impossible sans le succès social et, à l'inverse, que le progrès social est impossible sans progrès économiques.
Ce n'est pas là une règle absolue. Le capitalisme s'est bâti sur l'exploitation, et son succès, dans ses premières phases, se nourrissait de l'injustice. Un modèle brutal dont on voit encore les manifestations en Chine. Mais le capitalisme a évolué. Il a entre autres découvert, à l'époque d'Henry Ford, que son avenir reposerait sur la création d'une classe de consommateurs, impossible sans amélioration des conditions de travail. Il s'est par la suite adapté à des degrés divers à des modèles d'État-providence.
Nous sommes entrés dans une nouvelle époque, qui a été accélérée par la mondialisation et les formes nouvelles que prend la concurrence. L'arrivée de pays émergents, capables de produire à bas coût, a fait craindre que les pressions se multiplieraient pour que des pays comme les nôtres choisissent le nivellement par le bas pour rester concurrentiels, que l'on coupe les salaires et que l'on recule sur les acquis sociaux. On voit des manifestations de cette tendance dans le secteur manufacturier, par exemple à Olymel. Mais ce n'est pas généralisé. Dans l'ensemble, c'est plutôt le contraire qui se produit.
La vision économique dominante chez les penseurs, les économistes, les planificateurs gouvernementaux ou les leaders du monde des affaires consiste à croire que les sociétés avancées résisteront à cette concurrence en développant les créneaux où nous disposons d'avantages et en misant sur les attributs qui font que nos sociétés sont avancées. Une stratégie orientée vers l'innovation et le savoir, sur notre capacité d'attirer le talent et les capitaux. Et ces attributs reposent largement sur une organisation sociale qui assure la stabilité et la qualité de vie. S'attaquer à ces acquis, ce serait tuer la poule aux oeufs d'or.
C'est ce qui amène entre autres le monde des affaires à défendre des causes qui, auparavant, étaient une chasse gardée de la gauche sociale. Ce sont les entreprises, surtout les grandes, qui se sont les premières mobilisées sur le sous-financement universitaire, car elles savent plus que les autres que l'enseignement postsecondaire et la recherche sont la clé du succès dans l'économie du savoir. De la même façon, parce que nous vivons des pénuries de main-d’œuvre, le monde des affaires s'occupe maintenant de décrochage scolaire et d'intégration des immigrants.
La même logique amène à voir la qualité de vie comme un atout important, et donc à définir un bon système de santé ou une lutte efficace contre la pauvreté comme des ingrédients essentiels au succès économique. Ou encore, parce que le succès dépend des villes et leur créativité, à voir la culture comme une priorité.
Le même processus de convergence commence à s'amorcer pour les questions environnementales parce qu'il devient clair que notre avenir, y compris économique, dépendra de notre capacité à contrer des phénomène comme le réchauffement climatique. On voit déjà, au Canada et aux États-Unis, des dirigeants d'entreprises plus éclairés bousculer l'immobilisme de leurs gouvernements.
Le cheminement a jusqu'ici été plus lent chez les héritiers de la gauche traditionnelle que cette convergence effraie. Ils ont souvent du mal à pactiser avec les tenants d'une logique de marché, à accepter l'idée pourtant simple que le progrès social est impossible si on ne dispose pas des ressources pour l'assurer. Un refus du compromis qui en fait des ennemis objectifs du progrès.
Les pdg ne se sont pas pour autant transformés en militants socialistes. Il s'agit plutôt d'une rencontre où la logique économique et la défense des intérêts des entreprises vont souvent dans le sens du progrès social. C'est le principe même de la convergence. Et c'est ce qui rend les catégories de gauche et de droite, que l'on utilise encore trop, de plus en plus vides de sens.
Collaboration spéciale, La Presse
Bien des gens de bonne volonté s'inquiètent de voir la logique de création de richesse s'imposer comme discours dominant et se retrouver par exemple dans les programmes des trois principaux partis politiques du Québec. Ils y voient le triomphe d'une pensée unique, la victoire de la pensée économique sur les préoccupations sociales.
C'est plutôt le contraire qui est en train de se produire. Si le thème de la création de richesse prend racine, c'est justement parce qu'il rassemble. Et s'il rassemble c'est parce qu'il est capable d'intégrer les objectifs de la croissance et les exigences de la solidarité.
Nous assistons à un phénomène important dans les sociétés avancées, celui de la convergence entre les intérêts économiques et les intérêts sociaux. La découverte, par ceux que l'idéologie séparait, que le succès économique sera impossible sans le succès social et, à l'inverse, que le progrès social est impossible sans progrès économiques.
Ce n'est pas là une règle absolue. Le capitalisme s'est bâti sur l'exploitation, et son succès, dans ses premières phases, se nourrissait de l'injustice. Un modèle brutal dont on voit encore les manifestations en Chine. Mais le capitalisme a évolué. Il a entre autres découvert, à l'époque d'Henry Ford, que son avenir reposerait sur la création d'une classe de consommateurs, impossible sans amélioration des conditions de travail. Il s'est par la suite adapté à des degrés divers à des modèles d'État-providence.
Nous sommes entrés dans une nouvelle époque, qui a été accélérée par la mondialisation et les formes nouvelles que prend la concurrence. L'arrivée de pays émergents, capables de produire à bas coût, a fait craindre que les pressions se multiplieraient pour que des pays comme les nôtres choisissent le nivellement par le bas pour rester concurrentiels, que l'on coupe les salaires et que l'on recule sur les acquis sociaux. On voit des manifestations de cette tendance dans le secteur manufacturier, par exemple à Olymel. Mais ce n'est pas généralisé. Dans l'ensemble, c'est plutôt le contraire qui se produit.
La vision économique dominante chez les penseurs, les économistes, les planificateurs gouvernementaux ou les leaders du monde des affaires consiste à croire que les sociétés avancées résisteront à cette concurrence en développant les créneaux où nous disposons d'avantages et en misant sur les attributs qui font que nos sociétés sont avancées. Une stratégie orientée vers l'innovation et le savoir, sur notre capacité d'attirer le talent et les capitaux. Et ces attributs reposent largement sur une organisation sociale qui assure la stabilité et la qualité de vie. S'attaquer à ces acquis, ce serait tuer la poule aux oeufs d'or.
C'est ce qui amène entre autres le monde des affaires à défendre des causes qui, auparavant, étaient une chasse gardée de la gauche sociale. Ce sont les entreprises, surtout les grandes, qui se sont les premières mobilisées sur le sous-financement universitaire, car elles savent plus que les autres que l'enseignement postsecondaire et la recherche sont la clé du succès dans l'économie du savoir. De la même façon, parce que nous vivons des pénuries de main-d’œuvre, le monde des affaires s'occupe maintenant de décrochage scolaire et d'intégration des immigrants.
La même logique amène à voir la qualité de vie comme un atout important, et donc à définir un bon système de santé ou une lutte efficace contre la pauvreté comme des ingrédients essentiels au succès économique. Ou encore, parce que le succès dépend des villes et leur créativité, à voir la culture comme une priorité.
Le même processus de convergence commence à s'amorcer pour les questions environnementales parce qu'il devient clair que notre avenir, y compris économique, dépendra de notre capacité à contrer des phénomène comme le réchauffement climatique. On voit déjà, au Canada et aux États-Unis, des dirigeants d'entreprises plus éclairés bousculer l'immobilisme de leurs gouvernements.
Le cheminement a jusqu'ici été plus lent chez les héritiers de la gauche traditionnelle que cette convergence effraie. Ils ont souvent du mal à pactiser avec les tenants d'une logique de marché, à accepter l'idée pourtant simple que le progrès social est impossible si on ne dispose pas des ressources pour l'assurer. Un refus du compromis qui en fait des ennemis objectifs du progrès.
Les pdg ne se sont pas pour autant transformés en militants socialistes. Il s'agit plutôt d'une rencontre où la logique économique et la défense des intérêts des entreprises vont souvent dans le sens du progrès social. C'est le principe même de la convergence. Et c'est ce qui rend les catégories de gauche et de droite, que l'on utilise encore trop, de plus en plus vides de sens.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire