Au début du siècle dernier, Amilcare Puviani, économiste et intellectuel, s’est attaqué à la tâche de répondre à la question : Si l’objectif du gouvernement est de soutirer le maximum d’argent aux contribuables, tout en minimisant la grogne, comment doit-il s’y prendre ? Il a proposé plusieurs stratégies/principes susceptibles d’aider un tel gouvernement à réaliser son objectif. Aujourd’hui, tous les systèmes fiscaux des pays occidentaux sont basés, à divers degré, sur les stratégies élaborées par Puviani. Dans ce domaine, le gouvernement du Québec est un chef de file.
En matière de fiscalité, le but premier des politiciens est de créer l’illusion que les impôts et les taxes des contribuables sont moindres que la réalité. En même temps, ils s’efforcent aussi de créer l’illusion que les bénéfices obtenus par la population sont plus grands que la réalité. Ainsi, il est possible pour le gouvernement d’imposer une fiscalité usuraire sans pour autant soulever l’opposition de la population.
L’analyse du système fiscal québécois révèle que le gouvernement du Québec est un chef de file dans l’application des principes proposés par Puviani.
1. Utiliser des taxes et impôts indirects. Les revenus ainsi générés seront camouflés dans le prix des produits et services.
En incluant les taxes dans le prix d’un bien ou d’un service il devient pratiquement impossible pour le consommateur de départager la part des taxes de celle du coût du produit ou du service. Ce principe est abondamment appliqué au Québec : essence, cigarettes, boissons alcoolisées, etc.
2. Utiliser des monopoles d’État pour générer des revenus pour le gouvernement.
Les monopoles d’État, malgré leur inefficacité légendaire, permettent au gouvernement de taxer indirectement la population en gonflant artificiellement le prix des produits et services fournis. Le coût économique résultant de l’inefficacité de ces sociétés est totalement invisible mais, les dividendes versés au gouvernement sont, eux, largement publicisés. Ainsi la population croit faussement que ces sociétés contribuent à enrichir la population alors qu’en réalité c’est tout le contraire.
Compte-tenu que l’inefficacité des sociétés d’État l’application de ce principe risque, à terme, de mener les gouvernements à la faillite. La conversion au capitalisme de l’ensemble des pays du bloc de l’Est en est la meilleure preuve. La plupart des pays occidentaux ont abandonné ce moyen de taxer la population. Toutefois, société distingue oblige, le Québec possède l’économie la plus socialiste de l’Amérique du Nord et plusieurs sociétés d’État (H-Q, SAQ, Loto-Québec, etc.) génèrent une partie importante des revenus gouvernementaux.
3. Utiliser la dette publique pour financer les dépenses de l’État.
Un gouvernement qui désire financer un grand projet ou un déficit opérationnel peut soit accumuler des surplus ou emprunter. Comme il est politiquement plus rentable de distribuer les surplus budgétaires à des fins électoralistes, rares sont les gouvernements qui accumulent des surplus. La plupart sont obligés d’emprunter pour financer les projets et pour balancer leur budget.
Cette philosophie a été particulièrement populaire au Québec jusqu’au milieu des années 90 avec pour conséquence l’accumulation d’une dette de plus de 120 milliards. Même si aujourd’hui une loi oblige le gouvernement à présenter un budget équilibré, les politiciens n’hésitent pas à interpréter les règles comptables et le gouvernement continu d’accumuler les déficits.
4. Collecter les taxes et les impôts sous forme de paiements périodiques relativement petits.
Le gouvernement collecte les impôts au moyen d’une déduction automatique sur chaque chèque de paie. Ainsi le contribuable est plus ou moins conscient du montant annuel d’impôt payé. Si les impôts étaient facturés aux contribuables une ou deux fois par année ils se rendraient brutalement compte du coût énorme des services gouvernementaux.
De plus, les revenus gouvernementaux proviennent de plusieurs sources : impôts, TPS, TVQ, frais de services, taxes d’accise, etc. Ainsi, il est pratiquement impossible pour le contribuable d’évaluer le coût total des services gouvernementaux.
Combien de Québécois réalisent que les taux de fiscalité marginaux oscillent entre 50% et 70% pour la très grande majorité des contribuables ?
5. Faire croire à la population que les conséquences seront désastreuses si les revenus du gouvernement ne sont pas augmentés ou s’ils sont réduits.
La tactique bien connue de « crier au loup » est toujours efficace. Les syndicats, les associations patronales, les organismes bénéficiant des largesses gouvernementales (plus de 4 000 au Québec) ne manqueront pas de déchirer leurs chemises sur la place publique à la moindre allusion de coupure.
Cette tactique a permis au parti libéral de revenir sur sa promesse de réduction d’impôt d’un milliard par année. En faisant croire à la population que la pérennité des systèmes de santé et de l’éducation était en péril tous se sont empressés de supplier le gouvernement de ne pas baiser les impôts.
6. Profiter des courants populaires pour imposer de nouveaux impôts et de nouvelles taxes.
Par exemple l’environnement est un sujet à la mode depuis une dizaine d’année. Le gouvernement du Québec profite de cette mode pour taxer l’eau, maintenir la taxe sur l’essence à des niveaux inconnus ailleurs en Amérique du Nord, etc. Il est probable que taxer l’eau et maintenir le niveau de taxation de l’essence élevé sont des moyens efficaces de protéger l’environnement. Ce qui est inacceptable c’est que les revenus additionnels générés ne soient compensés par des baisses d’impôt ou de taxes d’en d’autres domaines.
7. Qualifier de temporaire l’introduction de nouveaux impôts et de nouvelles taxes ?
Tous les Québécois se rappellent que le gouvernement avait imposé une taxe temporaire sur les cigarettes pour payer le stade olympique. Trente ans plus tard, le stade est finalement payé mais le gouvernement profite du fait que le tabagisme est impopulaire pour maintenir cette taxe en vigueur. Je suis l’un de ceux qui croit que les cigarettes devraient être surtaxées car c’est le meilleur moyen de financer les coûts sociaux du tabagisme. Toutefois, le gouvernement devrait réduire les impôts et les taxes dans d’autres domaines pour compenser les revenus additionnels générés par la surtaxe des cigarettes.
8. Taxer les transferts d’actif. Habituellement le transfert d’actif est relié à un évènement heureux qui amène le contribuable à minimiser l’aspect négatif d’une taxe.
Le plus bel exemple de l’application de ce principe est la fameuse taxe de bienvenue lors de l’achat d’une propriété. Les sommes impliquées lors de l’achat d’une propriété sont en général énorme par rapport au montant de la taxe rendant celle-ci relativement acceptable. De plus, le montant de la taxe est peu visible pour le contribuable qui finance son achat par une hypothèque englobant l’ensemble des coûts et frais d’achat.
Un autre exemple est celui de la vente de son véhicule personnel. Dans ce cas le contribuable a déjà payé la TVQ au moment de l’achat mais le nouvel acquéreur doit aussi la payer ce qui résulte en une double, triple, etc. taxations d’une partie de la valeur de ce véhicule. Ainsi, un véhicule qui change de propriétaire plusieurs fois générera des sommes astronomiques de TVQ. Pour éviter la double, la triple taxations d’un même produit il suffirait de créditer la TVQ au vendeur au moment de la vente.
9. Rendre le système fiscal et budgétaire suffisamment complexe pour que personne, à part quelques experts, puissent s’y retrouver.
Le système fiscal du Québec, comme ceux de la plupart des pays occidentaux, sont devenus tellement complexes que même les experts font régulièrement des erreurs dans la préparation des rapports d’impôt même les plus simples.
Puviani serait sans doute plutôt satisfait de constater que les principes fiscaux qu’il a élaborés il y a plus de cent ans sont appliqués à la lettre par tous les gouvernements du monde moderne.
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