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13 mars, 2022

Se tourne la page du fondamentalisme écologiste, place à l’humanisme

 Par Drieu Godefridi

Ils étaient seuls. Les spécialistes de l’énergie qui, depuis dix ans, mettent en garde la Belgique contre la folle dérive de sa politique énergétique, étaient bien seuls. Citons Samuele Furfari, Jean-Pierre Schaeken, mais également David Clarinval et Corentin de Salle qui, dans leur remarquable et prophétique ouvrage Fiasco énergétique dénonçaient dès 2014 le « fiasco social, environnemental et économique » de la politique énergétique d’inspiration écologiste.

Je ne suis pas un politique. Seule m’intéresse la vérité. La vérité historique nous oblige à rappeler que des sectateurs du fondamentalisme écologiste, des individus trop pusillanimes pour s’y opposer, ou intellectuellement trop faibles pour s’en affranchir, ont prospéré dans tous les partis.

Sur le nucléaire, l’histoire retiendra Georges-Louis Bouchez comme visionnaire, ce qui est rare en politique — a fortiori belge francophone. Rivé aux données chiffrées, dès son accession à la présidence du Mouvement réformateur (MR) Bouchez a rapidement compris que le fondamentalisme écologiste nous menait à l’impasse. Seul — lui aussi ! — contre tous les partenaires de la coalition gouvernementale, il maintint la nécessité impérieuse, pratique, arithmétique de la prolongation du nucléaire. Il n’est pas jusqu’au parti libéral flamand qui ne le taxait de conservateur de ce fait, encore en janvier 2022 (sic).

L’idéologie antinucléaire en Belgique

Son prédécesseur Charles Michel n’était pas aussi clairvoyant. À la tête d’une coalition sans les écologistes, Charles Michel se montra tout du long de son mandat intraitable sur la destruction « nécessaire » du parc nucléaire civil belge, réitérant chaque semaine l’inexorable, définitive et sans appel sortie du nucléaire en 2025. À l’époque, par des motifs simplement arithmétiques, j’osai :

Et, dans Le Vif le 1er mars 2019 :

Rien n’y fit. Charles Michel persista jusqu’au terme de son curieux mandat dans son fondamentalisme écologiste, bientôt dépassé en fièvre verte — si une telle chose est possible — par Jean-Luc Crucke. Quand je m’inquiétais de la dérive écologiste passablement extrême de ce sympathique personnage, voici ce qu’il déclarait au magazine UCM le 7 février 2018 :

How charming.

 

En 2015, le député MR Clarinval appelait à prolonger le nucléaire au-delà de 2025 (Le Soir, 30 décembre 2015). Dès le lendemain, il était sèchement rabroué par celui qui était alors président du MR, le supérieurement intelligent Olivier Chastel : « Chastel recadre Clarinval : La ligne du MR, c’est sans nucléaire après 2025. » Oh, really ? Il y a des visionnaires, au MR. Mais pas que.

Vint la coalition actuelle, nommée avec amour Vivaldi par la presse classique, comme une symphonie tout de beauté et d’harmonie. Dans cet étonnant attelage des quatre saisons — surtout l’hiver — le ministère de l’Énergie revint tout naturellement aux écologistes, en la personne de madame Tinne Van der Straeten, du parti flamand GROEN.

Madame Tinne Van der Straeten résume à merveille le compagnonnage de route entre les écologistes européens et la Fédération de Russie. Depuis vingt ans, les écologistes européens militent furieusement et de façon parfaitement désintéressée pour l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste et pour le démantelement du nucléaire civil. Avec succès ! Il se trouve que ces deux triomphes majeurs, notamment en Allemagne, ont considérablement accru la dépendance européenne au gaz russe. Comme le hasard fait parfois bien les choses !

Avant de devenir ministre, Tinne Van der Straeten était associée à 50 % d’un cabinet d’avocats dont l’un des gros clients n’était autre que Gazprom, le géant gazier du gouvernement russe. Devenue ministre, Mme Van der Straeten entreprit de démanteler intégralement le parc nucléaire civil belge, pour lui substituer des centrales au gaz, qui devraient par nécessité être approvisionnées, entre autres, par Gazprom.

Bienvenue dans le meilleur des mondes leibnitziens ! « On a retrouvé des financements de Gazpromexpliquait sur CNEWS le directeur de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) le 26 février dernier, en particulier dans des ONG écologistes qui ont fourni des ministres à certains pays d’Europe et qui ensuite sont embarqués dans une sorte de retour d’ascenseur en défendant la sortie du nucléaire », et de donner l’exemple de la Belgique.

Les conséquences désastreuses du fondamentalisme « vert »

Imagine-t-on la clameur que susciterait l’étonnant parcours de madame Van der Straeten dans un pays scandinave ? Imagine-t-on le festin d’investigations journalistiques sur la trajectoire financière et professionnelle de la ministre et de son entourage, s’il s’était agi d’une personnalité issue d’un parti non écologiste ? Que n’aurait-on pas entendu si Bouchez était devenu ministre de l’Énergie, après avoir été l’avocat de Gazprom ou d’Exxon-Mobile ?

Un parcours GROEN propulsé au gaz qui n’est pas sans évoquer celui du chancelier allemand Gerhard Schröder qui décidait en 2001 de détruire le parc nucléaire allemand, jetant ainsi l’Allemagne dans les bras de Gazprom. Le valeureux Gerhard se téléporta ensuite sans transition de la chancellerie de Berlin à la compagnie gazière russe Gazprom, qui le rémunère depuis avec la générosité qui fait sa réputation parmi les écologistes occidentaux.

Le résultat concret de cette fête de l’esprit gazpro-environnementaliste depuis vingt ans est que l’Europe finance directement, chaque jour qui passe, l’effort de guerre russe en Ukraine. Aujourd’hui, l’Europe importe 40 % de son gaz depuis la Russie ; en Allemagne, ce pourcentage grimpe à 55 %. Pour le dire autrement, d’un point de vue énergétique, l’Europe est aujourd’hui 8 mars 2022 à la merci du régime impérialiste russe.

Vainement argue-t-on, dans les milieux écologistes, que l’Allemagne pourrait substituer du gaz américain au gaz russe : entre permis et construction, il faudra plusieurs années pour que l’Allemagne se dote d’un terminal gazier LNG (elle n’en a pas, seulement les gazoducs de Gazprom, le bienfaiteur des écologistes). En réalité, l’effort de guerre russe en Ukraine est financé par l’argent européen. Le think tank Bruegel estime à près de 700 millions d’euros par jour la contribution européenne actuelle à l’effort de guerre russe :

Il n’aura pas fallu 48 heures pour que s’effondre le château de cartes idéologiques de l’écologisme. Ce n’est plus d’une sortie du nucléaire qu’il s’agit aujourd’hui, mais d’une sortie du gaz. Le mundus des écologistes a fort senescit (vieilli) en quelques heures, avec une vitesse qui n’est pas sans évoquer la scène finale du portrait de Dorian Gray.

Par ailleurs, ce ne sont pas deux maigres réacteurs que la Belgique devrait prolonger, mais si possible cinq : Tihange 1, 2 et 3 et Doel 3 et 4. Pour Doel 3 et Tihange 2, il faudrait surcompenser le désinvestissement des dernières années ainsi que les défections dues à la personnalité qui dirige actuellement Engie en Belgique, Thierry Saegeman. Au vu des prix sur les marchés de l’énergie et de l’impératif absolu de se libérer de l’emprise tyrannique des Russes, cette prolongation du maximum possible de réacteurs nucléaires est un ‘no brainer,’ comme on dit à Washington. Wait & see.

Tandis que Kiev gémit sous la botte russe semelée par l’argent des Européens, l’alternative est entre le pragmatisme enfin retrouvé et des millions de familles qui crèveront — littéralement — de froid.

S’en soucier relève de la forme la plus élémentaire de l’humanisme.

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