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10 mars, 2022

Discours de François Sureau à l’Académie française : un éloge de la liberté

 Par Francis Richard

Le 3 mars 2022, François Sureau était reçu à l’Académie française et y prononçait un discours où il faisait l’éloge, comme c’est la coutume, de son prédécesseur, Max Gallo.

Étant plutôt du côté de chez Proust que du côté de chez Sainte-Beuve, il n’a pas raconté la vie de cet homme qui avait dû d’appartenir à la Compagnie à raison de son oeuvre.

Le nouvel académicien a eu six mois pour explorer cette œuvre. Ce n’était sans doute pas de trop, puisqu’elle compte une centaine d’ouvrages consacrés peu ou prou à l’histoire.

Gallo était historien, mais aussi romancier, la fiction lui permettant de donner vie à l’histoire. Il s’agissait là d’une fiction telle qu’on l’aime, populaire, descriptive et rêveuse.

Ce qui est le plus intéressant, dans ce discours, est ce que dit François Sureau de la liberté, qu’il compare à la France, qui est, comme elle, insaisissable pour qui veut l’appréhender :

La liberté est une étrange chose. Elle disparaît dès qu’on veut en parler. On n’en parle jamais aussi bien que lorsqu’elle a disparu.

Qu’aurait pensé Gallo aujourd’hui, où la fièvre des commémorations nous tient, pendant que d’un autre côté le sens disparaît des institutions que notre histoire nous a léguées :

Une séparation des pouvoirs battue en brèche, les principes du droit criminel rongés sur leurs marges, la représentation abaissée, la confusion des fonctions et des rôles recherchée sans hésitation, les libertés publiques compromises, le citoyen réduit à n’être plus le souverain, mais seulement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir mais le protéger, sans que l’efficacité promise, ultime justification de ces errements, soit jamais au rendez-vous.

Les oreilles du stagiaire de l’Élysée, situé sur l’autre rive de la Seine, ont dû siffler quand ces paroles ont été prononcées, en présence de sa dame, qui fut auparavant son professeur…

François Sureau ne s’en est pas tenu à ces propos, qui n’ont pas provoqué, semble-t-il, le moindre frémissement dans l’assistance, que ce soit chez les immortels ou dans le public :

Non, je ne crois pas que ce disciple de Voltaire et de Hugo se réjouirait de l’état où nous sommes, chacun faisant appel au gouvernement, aux procureurs, aux sociétés de l’information pour interdire les opinions qui les blessent ; où chaque groupe se croit justifié de faire passer, chacun pour son compte, la nation au tourniquet des droits de créance ; où gouvernement et Parlement ensemble prétendent, comme si la France n’avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu’il est des haines justes et que la République s’est fondée sur la haine des tyrans. La liberté, c’est être révolté, blessé, au moins surpris, par les opinions contraires.

Pour ce qui est de la République, il précise, après avoir [décrassé] ce terme qu’on emploie ces jours-ci à tout propos, au prix […] d’une grande confusion concernant les principes :

Gallo pour sa part ne l’a jamais vue comme cet étrange absolu qu’on nous présente parfois au mépris de toute vérité.[…] Aujourd’hui que la République nous appelle moins qu’elle ne nous sermonne au long d’interminables campagnes de propagande frappées de son sceau, il se serait inquiété je crois de notre docilité.

Comme si cela ne suffisait pas, le nouvel académicien enfonce le clou encore plus profond sans que Compagnie et public, sans doute saisis, n’émettent le moindre murmure :

Je ne crois pas que Gallo eût souscrit à cette substitution du lapin de garenne au citoyen libre que nous prépare cette formule imbécile, répétée à l’envi depuis vingt ans, que la sécurité est la première des libertés. À cette aune, pas de pays plus libre sans doute que le royaume de Staline ou celui de Mussolini. […] Et l’on s’en va répétant que les temps sont difficiles. Mais les temps, comme Max Gallo nous l’a rappelé pendant un demi-siècle, sont toujours difficiles pour ceux qui n’aiment pas la liberté.


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