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Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

12 septembre, 2011

On n’entre pas au désert avec le goût du chaos

Revue de livre par Louise V Labrecque

Salah Benlabed, De quelques défauts qui font les humain, collection Plume, Éditions La Pleine Lune, 2009

Le réalisme m’ennuie. Il n’a jamais rien ajouté à ce que je possède déjà. Je vais donc plonger de plus en plus profondément dans l’abime irrévocable de la fiction, dont la course au bonheur constitue le premier degré. Comme dans la ville désarticulée de Salah Benlabed « De quelques défauts qui font les humains », je commençais à avoir des doutes, sur le sens qu’avait pris notre rencontre. En effet, dans les vingt récits constituant ce livre, je suis maintenant certaine que l’écrivain n’écrit pas pour s’éloigner des gens, mais au contraire, pour essayer de s’en rapprocher. Le rapport n’est pas banal, tel le poète déclame : « j’ai besoin de toutes sortes de visages pour me connaître », l’auteur nous révèle ici qu’il n’a jamais eu besoin de certitude, que tout est une entreprise à perte, mais que c’est là qu’il veut tout de même travailler : dans une entreprise non littéraire, mais humaine. Nous sommes tous liés, d’après Benlabed. Nos chemins s’entrecroisent, de manière fortuite, nous sommes tous là, dans la ville, à regarder le même soleil, parfois à nous croiser aux coins des rues, regardant passer le même avion dans le ciel, prenant un même taxi, avec, au fond de nous, des rêves et des espoirs identiques… n’est-ce pas étrange que tout cela ? Est-ce la littérature qui nous tient à distance, ou le livre en lui-même qui nous propose une sorte d’énigme ? Et si nous étions tous des personnages vivants ? Mais pour cela, il faudrait être apte à aller faire un détour sur le rapport au lecteur. C’est, en un sens, ce que nous propose l’auteur de ce livre, dans une extrême économie de moyen, pour un maximum d’effets. Ces récits, assez inégaux, m’ont tout de même permis d’accrocher dès la toute première nouvelle : « le couple ». En effet, le dessin artistique de l’expression est audacieux, et du reste dans son écho : « la traîtrise », « le froid », « le malentendu », la naïveté », « le mensonge », « le viol », « le désespoir », « le rêve », « la maladie », « l’orgueil », « la folie », « l’amnésie », « la jalousie », « la guerre », bref, que des choses positives et inspirantes ! Blague à part, j’aurais aimé lire sur : «le renouveau », « l’acceptation », « la découverte », « la complicité », « la durée », « la force », « le courage », « l’espoir », « la chaleur », « la beauté », bref, ce début prometteur, duquel j’ai accroché tout de suite, m’a fait vite déchanter, tant le négativisme est à l’honneur, comme un pathétique fatalisme indécrottable. En effet, ce qui, au départ, réussit à séduire, par un nouveau littéraire riche, fortement sensible et humain, s’étiole ensuite rapidement, allant jusqu’à jeter quelques suspicions sur tout le reste. En somme, au-delà de l’histoire, des nouvelles, du lecteur, des gens, et de la ville (et du pays ?), on assiste au déchirement pénible et sans fin de l’écrivain, qui se torture pour essayer de trouver un peu d’humanisme à la moyenne des gens, dans des lieux publics et des situations exigeantes.

Toutefois, une grâce indéniable traverse ce recueil, par le talent d’écrivain de l’auteur, et je parle ici d’un ton unique, une aptitude naturelle au récit, avec quelques relâchements stylistiques, permettant aux dialogues de devenir de véritables petites scènes de tragédies, tantôt comiques, tantôt dramatiques. En effet, dans la nouvelle, on assiste à un genre littéraire où l’imaginaire fait merveille, avec, souvent, un brin d’esprit potinier, beaucoup d’inventions fabulatrices, le temps de varier les angles de vue, la dose de tendresse, dans l’observation de l’amour en mouvement, dans une humanité enclose, mais qui, néanmoins, console de quelques atrocités, barbaries, et autres histoires inquiétantes. Tout comme la belle femme affranchie souhaite secrètement le mariage et le sérieux dans l’engagement, l’autre humain est épris de compagnonnage et de camaraderie, comme si l’amour n’existait à peu près pas. Malgré toute sa sottise, il pouvait aimer, il savait aimer, mais il ne le voulait pas. La beauté s’en alla donc très vite dans un univers glacé et dur. Ce récit est parfois trop long, certes, et il parle trop. Paradoxalement, c’est aussi cela qui fait sa force. L’auteur l’écrit purement et sans ambage: un seul lieu pour la souffrance. Et c’est le cœur humain. Il aurait pu construire une cathédrale en partant de cette idée. Il a préféré écrire ce recueil. Tout est une question de choix dans la vie. Résultat : me voici avec un livre entre les mains. Je le recommande à tous ! Bonne lecture !

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