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22 septembre, 2011

Le dollar : un privilège exorbitant

Revue de livre par Mark Calabra

Un privilège exorbitant : Le déclin du dollar et l’avenir du système monétaire international (Odile Jacob, Septembre 2011)

Une revue de Mark Calabria – Le 9 septembre 2011. Un privilège exorbitant : Le déclin du dollar et l’avenir du système monétaire international (Odile Jacob, Septembre 2011) est un livre concis et accessible sur le dollar américain, écrit par Barry Eichengreen, professeur d'économie à l'Université de Californie à Berkeley, et constitue sans doute l'un des ouvrages les plus importants publiés cette année. Le fait que le dollar reste « roi » aura un impact énorme sur les entreprises américaines. Certaines vont y perdre ; d'autres vont y gagner. De façon tout aussi importante, la force relative du billet vert sera un facteur majeur pour déterminer les options budgétaires qui sont à la disposition du gouvernement américain dans les années à venir.

La majeure partie de l’ouvrage est consacrée à la construction d'une base historique pour les conclusions et les prévisions de Eichengreen concernant le statut mondial du dollar. L'auteur fait faire au lecteur un tour rapide de l'histoire monétaire américaine à ses débuts, de l'utilisation de monnaies-marchandises, telles que le wampum ou le tabac, à l'utilisation croissante de pièces et de papier-monnaie, soit sous la forme de « continentals » pendant la Révolution américaine ou de pesos d'argent espagnols, la monnaie mondiale la plus importante des environs de 1550 à 1850. Cette histoire sert à nous rappeler que la domination du dollar, même aux États-Unis est une affaire relativement récente.

Nous assistons à la naissance de la domination du dollar avec la création de la première et la deuxième Banque des Etats-Unis, puis avec la fondation de la Federal Reserve System en 1913. Le lien entre la hausse du dollar et la création par la Fed à New York d’un marché des instruments de paiements commerciaux pour rivaliser avec Londres, est l'une des idées les plus importantes du livre. Si la Chine est déterminée à détrôner le dollar, l'analyse que fait Eichengreen de la manière dont le billet vert est parvenu à dominer la livre sterling pourrait presque constituer un manuel pratique.

L'histoire nous rappelle que la livre sterling n’a pas reculé sans se battre. La lutte finale a commencé en Juillet 1944, à Bretton Woods, dans le New Hampshire, à la conférence internationale censée établir un nouvel ordre monétaire. La conception initiale du système de Bretton Woods était relativement neutre vis à vis de telle ou telle devise, grâce aux efforts du négociateur en chef de Grande-Bretagne, l'économiste John Maynard Keynes, qui tenait l'espoir d'un renouveau de la livre sterling. Mais le processus de Bretton Woods s’est rapidement transformé en un système de réserve fondé sur le dollar.

L'espoir de Keynes de sauver la livre n'est pas vraiment mort jusqu'à bien après sa propre mort, quand la crise de Suez en 1956 a finalement exposé les bases fragiles de l'économie britannique et de son influence politique. L'histoire des engagements la Grande-Bretagne à l'étranger ainsi que la disparition de la livre sterling en tant que monnaie dominante devrait servir d'avertissement aux Etats-Unis.

Un point central de l'analyse Eichengreen porte sur ce qui est désormais connu sous le vocable de « dilemme de Triffin », de l'économiste Robert Triffin, qui avertissait en 1947 qu'un système dans lequel les Etats-Unis promettait de fournir deux actifs de réserve (les dollars qui étaient ensuite convertibles en or à un taux de change fixe), serait condamné aussi longtemps que la fourniture d'un de ces actifs (le dollar) était élastique, tandis que l'autre (l'or) ne l’était pas. Pour que le commerce mondial prospère, les Etats-Unis seraient tenus de fournir une quantité presque illimitée de dollars. Pourtant, ceci serait incompatible avec la convertibilité du dollar en un prix fixe en or ; une contradiction qui a effectivement conduit à l'abandon de la convertibilité dollar-or par le président Nixon en 1971.

Dans l'un des rares points faibles du livre, l'auteur répète l’opinion répandue mais erronée sur la déréglementation et les produits dérivés en tant que causes de la crise financière de 2008. Mais il explique comment les flux mondiaux de capitaux ont accru les liquidités aux États-Unis et réduit les taux d'intérêt, contribuant à la bulle immobilière.

La leçon d'histoire nous mène enfin à l'état actuel du dollar et à sa trajectoire future. Puisque les avantages à être la monnaie de réserve mondiale sont importants, mais aussi presque invisibles pour les non-économistes, l'analyse de ces avantages et de leur potentialité d’être perdus est raccrochée de manière concrète aux décisions quotidiennes des entreprises, des ménages et des États. Lorsque le dollar sera finalement obligé de jouer un rôle moins important dans les affaires mondiales, la demande internationale pour le dollar baissera, entraînant une hausse des taux d'intérêt et réduisant le niveau de vie américain, touchant en particulier la capacité de l'Amérique à consommer au-delà de ses moyens. Cela est aussi vrai pour le gouvernement américain.

Comme Eichengreen l’affirme, le dollar est susceptible de perdre de l'importance. Mais l'ampleur de ce recul et le fait de savoir si le billet vert va être sur un pied d'égalité avec l'euro et le renminbi chinois, reste une question ouverte. Une bonne partie de la réponse dépend de la politique budgétaire américaine. Au plus les USA tarderont à mettre de l’ordre dans leurs finances publiques, au plus grand sera le recul du dollar.

Mark Calabria est analyste au Cato Institute à Washington DC.

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