par André Dorais
Il y a beaucoup plus de législation, de décisions de groupe, de choix rigides et beaucoup moins de «lois coutumières», de décisions individuelles, de choix libres, au sein de tous les systèmes politiques contemporains qu’il n’en faudrait pour préserver la liberté de choix individuelle. Bruno Leoni
Dans le but de reconnaître une égalité de principe entre les hommes, on dit de chacun qu’il est propriétaire de lui-même. L’homme est maître de ses choix, c’est-à-dire qu’il possède la liberté de penser et qu’il est responsable de ses décisions et de ses actes. Ainsi entendus, les concepts de propriété et de liberté renvoient l’un à l’autre. À son tour, la liberté de penser, soit la raison, renvoie aux libertés d’action. Celles-ci l’amènent à échanger avec autrui dans son propre intérêt. La coopération humaine tend à augmenter dans la mesure où le respect d’autrui s’étend au respect de ce qui lui appartient. Tant que les libertés d’action respectent la propriété d’autrui, elles sont légitimes, sinon elles ne le sont pas. C’est le règne de l’éthique.
Lorsque ces libertés sont reconnues en droit, on demeure dans le même règne sauf qu’on a recours à un tiers pour régler les différends. Si, dès l’établissement de cette institution, les principes sur lesquels elle se fonde sont mal compris, le risque est grand de les voir s’effriter avec le temps. On le constate aujourd’hui. On a perdu de vue les principes fondateurs du droit. Plutôt que de chercher l’application légitime du principe de propriété dans le quotidien, le droit se définit de plus en plus d’après la volonté particulière des législateurs. On assiste à une inflation législative et à une réduction conséquente des libertés. On ne peut l’enrayer qu’à sa source, c’est-à-dire en cessant de violer le principe de propriété, soit l’homme et ce qui lui appartient.
L’inflation législative
On assiste, dans les démocraties, à la multiplication des lois et des droits : le droit au logement, à l’«aide sociale», à un environnement sain, etc. On croit qu’il suffit de légiférer pour satisfaire les besoins. Il s’agit d’une pratique à courte vue, car elle réduit la coopération humaine plutôt que de l’accroître. Les arguments avancés pour justifier cette inflation sont tous plus faux les uns que les autres. On tente de faire croire à la population qu’ils relèvent de la morale et de l’assurance, mais il n’en est rien.
Les partisans de l’approche législative sont d’abord des sentimentaux. Ils s’indignent sur la place publique pour inciter l’État à agir pour satisfaire leurs besoins ou, à tout le moins, des besoins en particulier. Ils cherchent des coupables, ailleurs qu’en eux-mêmes. Ils qualifient ensuite leurs désirs de morale et de justice et dénigrent ceux qui s’y opposent. C’est que leur conception de la morale est égoïste plutôt qu’universelle. Ils ne se soucient guère de ceux qui auront à payer la note advenant que l’État tente de corriger la situation. Ils ne considèrent que l’effet immédiat de la redistribution des richesses. Parce qu’ils sont incapables de voir plus loin que le bout de leur nez, ils obtiennent des législateurs, tout aussi aveugles, ce qu’ils désirent : un nouveau droit, une loi de plus. Toutefois, étant donné que cette législation est mal fondée, elle ne fait que déplacer le problème. L’intervention législative en appelle une autre tant et aussi longtemps qu’on ne la remet pas en question comme la cause même de l’insatisfaction des besoins. L’éthique est pervertie. Il s’ensuit une plus grande pauvreté.
Les législateurs justifient leurs lois également sous le prétexte qu’elles répondent aux désirs de la majorité, mais la justice ne se résume pas à un nombre, aussi important soit-il. Le droit positif s’éloigne de plus en plus de l’éthique fondée sur les concepts de liberté et de propriété pour faire place aux diverses conceptions éthiques véhiculées par les hommes de l’État. Le principe d’universalité de la justice est mal utilisé, de sorte que la justice finit par n’être rien d’autre que ce que les régimes politiques veulent bien qu’elle soit. Il s’ensuit que tous les régimes politiques sont légaux puisque seule la légalité tient lieu de justice. Évidemment, cela ne signifie pas qu’ils soient tous légitimes, car la véritable justice ne se contente pas de la force coercitive. Dans la mesure où on conçoit la légitimité d’un régime politique aux libertés qu’il sauvegarde, on doit conclure que la démocratie ne se distingue pas à ce point des autres régimes pour la promouvoir comme modèle.
À force de promulguer des droits nécessitant l’imposition pour qu’ils soient effectifs, la démocratie appauvrit non seulement les contribuables, mais également les bénéficiaires de ces droits à moyen terme. Il en est ainsi, car l’État exige perpétuellement des frais de la part des contribuables pour des services qu’ils n’ont pas nécessairement demandés et qu’ils n’utiliseront peut-être jamais. Les priorités des gens changent selon l’âge, le lieu, les circonstances et cetera, par conséquent ils sont plus à même d’épargner, investir et produire de la richesse si on ne les oblige pas à dépenser leur argent selon les priorités du moment des politiciens. Quand bien même on s’entendrait pour dire que ce ne sont pas seuls les politiciens qui décident, mais la majorité démocratique, on doit admettre que cette asymétrie, entre les utilisateurs des services fournis par l’État et ceux qui les paient, effrite les libertés et par conséquent réduit la richesse.
Plusieurs des services octroyés par l’État sont analogues aux régimes d’assurance, à la différence que le contribuable est obligé d’y cotiser, alors qu’il ne les a pas nécessairement demandés. Étant donné que plusieurs individus ne veulent pas de ces services, ou plutôt de cette façon de servir, on ne peut dire que le régime démocratique soit représentatif. Il l’est d’autant moins que sa population est nombreuse. Les décisions de groupe diluent les décisions individuelles, par conséquent elles ne représentent pas autant la volonté individuelle que les décisions relevant uniquement d'elle. Il s’ensuit que le processus démocratique sert mal les consommateurs, car les choix qui en découlent sont réduits. De plus, on ne peut s’arroger le pouvoir de déterminer ce qu’un individu peut faire de sa propriété sans sous-entendre qu’il est incapable de décider pour lui-même, par conséquent de choisir ses représentants.
Le champ réduit des libertés, comme effet inévitable de la violation de la propriété, n’a pas seulement une incidence économique, mais aussi morale. L’autonomie fait place à la dépendance, voire à l’assujettissement des uns par les autres. Les décisions relatives à la satisfaction des besoins, tout comme celles relatives au bien et au mal, doivent relever uniquement de l’individu. L’épanouissement de l’homme en dépend. On apprend aux enfants l’autonomie, alors pourquoi, adultes, doit-on la laisser tomber? Ni l’homme de l’État, ni la majorité ne sont en mesure de déterminer ce qui est désirable pour chaque individu. Croire le contraire, c’est attribuer des vertus au régime démocratique qu’il n’a pas, c’est faire des élus des apprentis sorciers. Dès lors, l’objectif de l’État devrait être de se retirer le plus possible de l’offre de services aux individus afin que celle-ci réponde davantage à leurs désirs.
Le régime démocratique prétend répondre aux besoins de chacun, alors qu’il répond aux besoins des uns qu’au détriment des autres. Plus il tend à augmenter sa prestation de services, moins grande est la satisfaction des besoins pour l’ensemble des consommateurs, car il y a asymétrie entre les coûts exigés et l’utilisation de ces services. Les besoins de chacun ne sont pas les mêmes pour tous et ils changent avec le temps, de sorte qu’on a besoin d’un système flexible qui n’exige pas continuellement des frais pour des services qu’on n’utilise qu’à l’occasion, voire jamais. La démocratie ne permet pas cette flexibilité. On tente de la justifier en laissant entendre qu’elle répond au concept d’universalité, mais la réalité est qu’on utilise ce concept à toutes les sauces sauf là où c’est important, soit relativement au respect de la propriété de chacun. Le régime démocratique tend à effriter peu à peu les libertés individuelles, car il s’implante subrepticement dans les esprits en substituant des décisions de groupe à des décisions censées relever seul de l’individu. L’individualité se dissipe au profit d’une collectivité sans âme. Il n’y a alors qu’un pas pour justifier l’élimination de quelques individus sous le prétexte de sauver la collectivité. La coopération humaine ne relève pas tant d’un régime politique en particulier que du respect intégral du principe de propriété.
«Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse» est un adage vieux comme le monde, plein de sagesse, mais encore mal compris. En démocratie, on ne s’en préoccupe plus, comme si le principe était dépassé ou ne s’appliquait pas. On cherche rapidement à satisfaire les besoins sans considération des moyens utilisés pour y parvenir. On ne voit pas la taxation et l’imposition comme étant du vol, car on demande à l’État de servir la population. Or, il ne peut la servir sans en même temps lui nuire. Pour en arriver à ce constat, on ne peut se contenter de ses premières impressions, on doit raisonner, «voir loin». Ainsi, quand bien même on mettrait l’éthique de côté, qui suffit pour rejeter lesdits moyens utilisés par l’État, ceux-ci demeurent inadéquats puisqu’ils finissent inévitablement par nuire davantage qu’ils n’aident à satisfaire les besoins. L’État n’est pas conçu pour servir, qu’il soit démocratique ou non.
L’institution judiciaire suffit à la coopération humaine dès lors que le principe de propriété est respecté, car toutes les libertés sont entendues sous ce concept. Au contraire, le régime démocratique bafoue la propriété au sens strict, soit la liberté de disposer de ses biens comme on l’entend, sous le prétexte qu’elle n’est pas inscrite dans les chartes. Or ce sont toutes les libertés qui doivent être protégées, pas uniquement celles décrétées par l’État. En bafouant la propriété, on bafoue nécessairement plusieurs libertés, car celles-ci sont indissociables de celle-là. La démocratie perd sa légitimité et son efficacité à affecter les ressources dès lors qu’elle soumet au vote la propriété d’autrui.
En somme, on a rabaissé la justice à la démocratie parce qu’on a perdu de vue l’essentiel pour se contenter de la forme. La justice ne se contente pas de la légalité, car celle-ci est relative alors que celle-là est universelle. Se contenter de la légalité, ou du droit positif, c’est se soumettre à la loi du plus fort. On se soumet à la même loi dans le régime démocratique sauf qu’on l’enrobe de bons sentiments, de sorte qu’on y voit que du feu. Jusqu’au jour où on réalise que cette «légalisation sentimentale» a un coût. La justice est déviée par l’incompréhension des principes qui la fondent et par l’idée qu’on puisse l’établir par l’entremise d’un système représentatif, qui représente de moins en moins de monde. Dès lors qu’on soutire le bien de quelqu’un sans son consentement, la justice est trahie. Lorsqu’on soumet la propriété d’autrui à un vote, on réduit et les libertés et la coopération humaine. On doit faire demi-tour, car la direction prise aujourd’hui conduit à un cul-de-sac.
Il y a beaucoup plus de législation, de décisions de groupe, de choix rigides et beaucoup moins de «lois coutumières», de décisions individuelles, de choix libres, au sein de tous les systèmes politiques contemporains qu’il n’en faudrait pour préserver la liberté de choix individuelle. Bruno Leoni
Dans le but de reconnaître une égalité de principe entre les hommes, on dit de chacun qu’il est propriétaire de lui-même. L’homme est maître de ses choix, c’est-à-dire qu’il possède la liberté de penser et qu’il est responsable de ses décisions et de ses actes. Ainsi entendus, les concepts de propriété et de liberté renvoient l’un à l’autre. À son tour, la liberté de penser, soit la raison, renvoie aux libertés d’action. Celles-ci l’amènent à échanger avec autrui dans son propre intérêt. La coopération humaine tend à augmenter dans la mesure où le respect d’autrui s’étend au respect de ce qui lui appartient. Tant que les libertés d’action respectent la propriété d’autrui, elles sont légitimes, sinon elles ne le sont pas. C’est le règne de l’éthique.
Lorsque ces libertés sont reconnues en droit, on demeure dans le même règne sauf qu’on a recours à un tiers pour régler les différends. Si, dès l’établissement de cette institution, les principes sur lesquels elle se fonde sont mal compris, le risque est grand de les voir s’effriter avec le temps. On le constate aujourd’hui. On a perdu de vue les principes fondateurs du droit. Plutôt que de chercher l’application légitime du principe de propriété dans le quotidien, le droit se définit de plus en plus d’après la volonté particulière des législateurs. On assiste à une inflation législative et à une réduction conséquente des libertés. On ne peut l’enrayer qu’à sa source, c’est-à-dire en cessant de violer le principe de propriété, soit l’homme et ce qui lui appartient.
L’inflation législative
On assiste, dans les démocraties, à la multiplication des lois et des droits : le droit au logement, à l’«aide sociale», à un environnement sain, etc. On croit qu’il suffit de légiférer pour satisfaire les besoins. Il s’agit d’une pratique à courte vue, car elle réduit la coopération humaine plutôt que de l’accroître. Les arguments avancés pour justifier cette inflation sont tous plus faux les uns que les autres. On tente de faire croire à la population qu’ils relèvent de la morale et de l’assurance, mais il n’en est rien.
Les partisans de l’approche législative sont d’abord des sentimentaux. Ils s’indignent sur la place publique pour inciter l’État à agir pour satisfaire leurs besoins ou, à tout le moins, des besoins en particulier. Ils cherchent des coupables, ailleurs qu’en eux-mêmes. Ils qualifient ensuite leurs désirs de morale et de justice et dénigrent ceux qui s’y opposent. C’est que leur conception de la morale est égoïste plutôt qu’universelle. Ils ne se soucient guère de ceux qui auront à payer la note advenant que l’État tente de corriger la situation. Ils ne considèrent que l’effet immédiat de la redistribution des richesses. Parce qu’ils sont incapables de voir plus loin que le bout de leur nez, ils obtiennent des législateurs, tout aussi aveugles, ce qu’ils désirent : un nouveau droit, une loi de plus. Toutefois, étant donné que cette législation est mal fondée, elle ne fait que déplacer le problème. L’intervention législative en appelle une autre tant et aussi longtemps qu’on ne la remet pas en question comme la cause même de l’insatisfaction des besoins. L’éthique est pervertie. Il s’ensuit une plus grande pauvreté.
Les législateurs justifient leurs lois également sous le prétexte qu’elles répondent aux désirs de la majorité, mais la justice ne se résume pas à un nombre, aussi important soit-il. Le droit positif s’éloigne de plus en plus de l’éthique fondée sur les concepts de liberté et de propriété pour faire place aux diverses conceptions éthiques véhiculées par les hommes de l’État. Le principe d’universalité de la justice est mal utilisé, de sorte que la justice finit par n’être rien d’autre que ce que les régimes politiques veulent bien qu’elle soit. Il s’ensuit que tous les régimes politiques sont légaux puisque seule la légalité tient lieu de justice. Évidemment, cela ne signifie pas qu’ils soient tous légitimes, car la véritable justice ne se contente pas de la force coercitive. Dans la mesure où on conçoit la légitimité d’un régime politique aux libertés qu’il sauvegarde, on doit conclure que la démocratie ne se distingue pas à ce point des autres régimes pour la promouvoir comme modèle.
À force de promulguer des droits nécessitant l’imposition pour qu’ils soient effectifs, la démocratie appauvrit non seulement les contribuables, mais également les bénéficiaires de ces droits à moyen terme. Il en est ainsi, car l’État exige perpétuellement des frais de la part des contribuables pour des services qu’ils n’ont pas nécessairement demandés et qu’ils n’utiliseront peut-être jamais. Les priorités des gens changent selon l’âge, le lieu, les circonstances et cetera, par conséquent ils sont plus à même d’épargner, investir et produire de la richesse si on ne les oblige pas à dépenser leur argent selon les priorités du moment des politiciens. Quand bien même on s’entendrait pour dire que ce ne sont pas seuls les politiciens qui décident, mais la majorité démocratique, on doit admettre que cette asymétrie, entre les utilisateurs des services fournis par l’État et ceux qui les paient, effrite les libertés et par conséquent réduit la richesse.
Plusieurs des services octroyés par l’État sont analogues aux régimes d’assurance, à la différence que le contribuable est obligé d’y cotiser, alors qu’il ne les a pas nécessairement demandés. Étant donné que plusieurs individus ne veulent pas de ces services, ou plutôt de cette façon de servir, on ne peut dire que le régime démocratique soit représentatif. Il l’est d’autant moins que sa population est nombreuse. Les décisions de groupe diluent les décisions individuelles, par conséquent elles ne représentent pas autant la volonté individuelle que les décisions relevant uniquement d'elle. Il s’ensuit que le processus démocratique sert mal les consommateurs, car les choix qui en découlent sont réduits. De plus, on ne peut s’arroger le pouvoir de déterminer ce qu’un individu peut faire de sa propriété sans sous-entendre qu’il est incapable de décider pour lui-même, par conséquent de choisir ses représentants.
Le champ réduit des libertés, comme effet inévitable de la violation de la propriété, n’a pas seulement une incidence économique, mais aussi morale. L’autonomie fait place à la dépendance, voire à l’assujettissement des uns par les autres. Les décisions relatives à la satisfaction des besoins, tout comme celles relatives au bien et au mal, doivent relever uniquement de l’individu. L’épanouissement de l’homme en dépend. On apprend aux enfants l’autonomie, alors pourquoi, adultes, doit-on la laisser tomber? Ni l’homme de l’État, ni la majorité ne sont en mesure de déterminer ce qui est désirable pour chaque individu. Croire le contraire, c’est attribuer des vertus au régime démocratique qu’il n’a pas, c’est faire des élus des apprentis sorciers. Dès lors, l’objectif de l’État devrait être de se retirer le plus possible de l’offre de services aux individus afin que celle-ci réponde davantage à leurs désirs.
Le régime démocratique prétend répondre aux besoins de chacun, alors qu’il répond aux besoins des uns qu’au détriment des autres. Plus il tend à augmenter sa prestation de services, moins grande est la satisfaction des besoins pour l’ensemble des consommateurs, car il y a asymétrie entre les coûts exigés et l’utilisation de ces services. Les besoins de chacun ne sont pas les mêmes pour tous et ils changent avec le temps, de sorte qu’on a besoin d’un système flexible qui n’exige pas continuellement des frais pour des services qu’on n’utilise qu’à l’occasion, voire jamais. La démocratie ne permet pas cette flexibilité. On tente de la justifier en laissant entendre qu’elle répond au concept d’universalité, mais la réalité est qu’on utilise ce concept à toutes les sauces sauf là où c’est important, soit relativement au respect de la propriété de chacun. Le régime démocratique tend à effriter peu à peu les libertés individuelles, car il s’implante subrepticement dans les esprits en substituant des décisions de groupe à des décisions censées relever seul de l’individu. L’individualité se dissipe au profit d’une collectivité sans âme. Il n’y a alors qu’un pas pour justifier l’élimination de quelques individus sous le prétexte de sauver la collectivité. La coopération humaine ne relève pas tant d’un régime politique en particulier que du respect intégral du principe de propriété.
«Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse» est un adage vieux comme le monde, plein de sagesse, mais encore mal compris. En démocratie, on ne s’en préoccupe plus, comme si le principe était dépassé ou ne s’appliquait pas. On cherche rapidement à satisfaire les besoins sans considération des moyens utilisés pour y parvenir. On ne voit pas la taxation et l’imposition comme étant du vol, car on demande à l’État de servir la population. Or, il ne peut la servir sans en même temps lui nuire. Pour en arriver à ce constat, on ne peut se contenter de ses premières impressions, on doit raisonner, «voir loin». Ainsi, quand bien même on mettrait l’éthique de côté, qui suffit pour rejeter lesdits moyens utilisés par l’État, ceux-ci demeurent inadéquats puisqu’ils finissent inévitablement par nuire davantage qu’ils n’aident à satisfaire les besoins. L’État n’est pas conçu pour servir, qu’il soit démocratique ou non.
L’institution judiciaire suffit à la coopération humaine dès lors que le principe de propriété est respecté, car toutes les libertés sont entendues sous ce concept. Au contraire, le régime démocratique bafoue la propriété au sens strict, soit la liberté de disposer de ses biens comme on l’entend, sous le prétexte qu’elle n’est pas inscrite dans les chartes. Or ce sont toutes les libertés qui doivent être protégées, pas uniquement celles décrétées par l’État. En bafouant la propriété, on bafoue nécessairement plusieurs libertés, car celles-ci sont indissociables de celle-là. La démocratie perd sa légitimité et son efficacité à affecter les ressources dès lors qu’elle soumet au vote la propriété d’autrui.
En somme, on a rabaissé la justice à la démocratie parce qu’on a perdu de vue l’essentiel pour se contenter de la forme. La justice ne se contente pas de la légalité, car celle-ci est relative alors que celle-là est universelle. Se contenter de la légalité, ou du droit positif, c’est se soumettre à la loi du plus fort. On se soumet à la même loi dans le régime démocratique sauf qu’on l’enrobe de bons sentiments, de sorte qu’on y voit que du feu. Jusqu’au jour où on réalise que cette «légalisation sentimentale» a un coût. La justice est déviée par l’incompréhension des principes qui la fondent et par l’idée qu’on puisse l’établir par l’entremise d’un système représentatif, qui représente de moins en moins de monde. Dès lors qu’on soutire le bien de quelqu’un sans son consentement, la justice est trahie. Lorsqu’on soumet la propriété d’autrui à un vote, on réduit et les libertés et la coopération humaine. On doit faire demi-tour, car la direction prise aujourd’hui conduit à un cul-de-sac.
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