Par William Rampe.
Les économistes établissent depuis longtemps un lien entre des niveaux élevés de réglementation et une diminution de l’innovation. Une étude sur les entreprises françaises, qui sera bientôt publiée, apporte des preuves supplémentaires à l’appui de ce qui est aujourd’hui une sagesse conventionnelle.
L’étude, un document de travail datant de 2021 qui sera bientôt publié dans l’American Economic Review, a été réalisée par les économistes Philippe Aghion et John Van Reenen de la London School of Economics et Antonin Bergeaud d’HEC Paris. Ils ont utilisé les données de l’administration fiscale française de 1994 à 2007 pour déterminer si la réglementation affecte « le rythme et la nature de l’innovation » dans les entreprises « et si oui, dans quelle mesure ».
Les auteurs constatent que « la fraction des entreprises innovantes chute fortement juste à gauche du seuil réglementaire », qu’ils qualifient de « vallée de l’innovation », car les conséquences réglementaires de l’augmentation du nombre d’employés signifient que les entreprises choisissent de ne pas innover. Il en va de même pour les réponses des entreprises aux chocs de la demande, car les entreprises « dont la taille se situe juste en dessous du seuil réglementaire » choisissent de ne pas augmenter leur production pour répondre à cette demande en raison des implications réglementaires.
Au total, les auteurs concluent que la réglementation du travail équivaut à une taxe de 2,5 % sur les bénéfices, qui réduit l’innovation d’environ 5,4 % et « réduit le bien-être d’au moins 2,2 % en termes d’équivalent consommation ». Cet impôt sur les bénéfices continue d’affecter les entreprises situées à droite du seuil, ce qui se traduit par « un aplatissement plus important de la relation positive entre l’innovation et la taille de l’entreprise ».
Les auteurs examinent les effets de la réglementation du travail sur les entreprises comptant entre 10 et 100 employés, en notant que « de nombreuses réglementations du travail s’appliquent aux entreprises de 50 employés ou plus », et mesurent la capacité d’innovation des entreprises par le nombre de brevets.
Ces réglementations obligent les entreprises à consacrer des ressources à d’autres activités que la production, notamment à consacrer des revenus à la formation des travailleurs, à offrir une représentation syndicale, à créer des régimes de participation aux bénéfices et à mettre en place un comité d’entreprise avec une représentation des travailleurs.
« Nous ne disons pas que toutes les réglementations sont mauvaises, mais plutôt qu’il est important d’aller au-delà de l’approche habituelle de la réflexion sur les coûts et les bénéfices, qui est à court terme et ignore généralement l’innovation à long terme », explique M. Van Reenen à Reason.
Les contrôles mis en œuvre pour soutenir les travailleurs peuvent s’inscrire dans une perspective sympathique. Pourtant, leurs effets de distorsion finissent par nuire à l’économie dans son ensemble en décourageant la production et en diminuant la création de nouveaux produits.
« Les entreprises réagissent aux incitations et aux désincitations et nous constatons que même lorsque les entreprises connaissent des évolutions positives, telles qu’une augmentation de la demande, elles peuvent encore hésiter à investir dans la recherche et le développement et à poursuivre l’innovation si elles sont proches de ce seuil de taille », explique M. Bergeaud à Reason. « En effet, une innovation réussie implique une croissance, ce qui, dans ce cas, signifierait franchir le seuil des 50 employés et encourir des coûts supplémentaires. »
Un autre résultat intéressant de l’étude est que les entreprises qui innovent dans le cadre d’une réglementation substantielle ont tendance à « prendre le taureau par les cornes » car « la réglementation décourage la R&D incrémentale » et les entreprises veulent « éviter d’être seulement légèrement à droite du seuil ». Si les innovations importantes font l’objet d’une couverture médiatique et ont un impact considérable sur le bien-être des consommateurs, les innovations mineures présentent également des avantages, car elles permettent aux entreprises de répondre à des préoccupations immédiates moyennant des investissements moindres.
Même si la législation du travail française est plus stricte que celle des États-Unis, les conclusions de l’étude constituent un avertissement pour les décideurs politiques américains qui cherchent à renforcer la protection des travailleurs en donnant aux syndicats un rôle plus important dans l’économie et en augmentant le salaire minimum. Comme le soulignent les auteurs, les améliorations à court terme des conditions de travail résultant de ces politiques auront des effets néfastes à long terme sur l’innovation et le bien-être des consommateurs.
L’intervention de l’État faussant les incitations, elle aboutira inévitablement à des résultats indésirables, que ce soit à court ou à long terme.
Comme le souligne l’économiste Thomas Sowell dans son livre A Conflict of Visions, « il n’y a pas de solutions, il n’y a que des compromis ».
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