Louise V. Labrecque
Non, nous n’en revenons pas ! Pensez-vous que cela est
possible, en revenir d’un évènement pareil ? ! Notre * Dame en feu, détruite,
disparue, en cendres, avec tant de points d’interrogation, encore à ce jour; et
tant de points du suspension…. Mais
comment cela est-il possible, le regard que chacun porte sur Paris s’en trouve
désormais modifié; nous tous québécois, amoureux de Notre Mère Patrie et de
Notre * Dame, avons l’impression persistante d’un mauvais rêve. Cela est si
vrai que pour écrire ainsi nous conservons en pensée sa forme sensible : elle
demeurera écrite, au moins, comme pour préserver un peu de sa lumière
grandiose, tel un rayon de beauté inaltérable, venu de ses vitraux, de sa
rosace. Nous avons parlé de la pensée de
l’Art, dans les trois précédents articles, et l’esprit d’adoration qui opère
naturellement sur le problème que nous étudions. La question essentielle est de
savoir ce qui s’est passé, dans les moindres détails, et aussi comment reconstruire,
en respectant la liberté artistique, sous la lumière d’une œuvre si belle; non,
nous n’allons pas sacrifier la splendeur originelle de Notre * Dame aux idées
gravement suggestives des actes humains, trop humains ! L’artiste demeure libre
de traiter la matière, indifféremment, peut-être, de ce qu’il aurait observé.
S’il lui est permis de choisir son sujet dans les bas-fonds du réel, c’est à la
condition de laisser tomber l’obscénité. Par pitié, nous sommes de l’avis de celui-ci,
quand il affirme que le point principal dans cette question de reconstruction
demeure l’enjeu d’une véritable renaissance, parfaite en tous points, sans
mettre en lumière tel ou tel aspect du mal (mais bien) que de savoir à quelle
hauteur il se tient pour ce faire. Nous ne sommes pas dupes et nous avons
raison d’être inquiets ! Nous sommes les
défenseurs de Notre *Dame et de Notre Mère Patrie, telle quelle, dans toute sa
perfection sublime. Cette solution peut paraître sévère, mais elle est juste.
Nos cœurs sont assez purs, et assez forts, pour reconstruire Notre * Dame sans
connivence.
Oui, nous commençons à prendre la mesure des réactions du
public, après cette tragédie, cette coupure dans notre conscience historique;
ce terrible incendie enflamme toujours les esprits, soulève les passions et
oblige un débat rempli de bonnes volontés, sur la valeur morale de cette œuvre
d’art resplendissante qu’est Notre * Dame. L’art des libertés cela est aussi
une affaire de culture artistique; l’artiste n’a pas le droit de se figurer
que, comme lui, c’est l’art ultime que la population recherche et demande à
découvrir; la population c’est aussi un immense cœur humain qui aspire à
retrouver Notre *Dame intacte, avec à la fois sa pensée (de l’art) et son
regard, afin de ne pas risquer de devenir objet de scandale, instrumentalisée par
les scélérats. Une œuvre vivante est forcément troublante; soyons donc des
Hommes dignes, profondément vertueux et commençons dès lors à reconstruire
Notre * Dame pareille à l’originale; plus belle encore parce que rafraîchie,
comme la femme véritablement magnifique remets savamment de l’ordre dans ses
cheveux, un peu plus de noir sur ses yeux. Toute œuvre de mérite est
potentiellement dangereuse si son œil tombe dans la fange où plus d’un
s’enlise; de même, un bon arbre ne donne pas de mauvais fruits, ainsi Notre *
Dame porte en elle-même le don de vie du Créateur, demeure magnifique,
quasi-surnaturelle, de l’Homme. La tentation de se taire ou de crier ? Oui, la
tentation du silence est aussi la tentation du bien comme le fait de constater que
je suis libre d’écrire, ou pas, ce papier ; la difficulté reste entière d’un
point de vue moral puisqu’il s’agit de savoir comment discerner la face
exténuée du Christ dans la plus souillée de ses merveilles architecturales. Le
symbole Notre * Dame est celui du Monde Libre. Le sentiment aigu de
responsabilité morale va de pair avec la sincérité de celui qui voit également
avec son esprit. Jouer avec le feu et se brûler : l’incroyant pourrait-il
faire œuvre honnête ? Voilà le scandale qui guette Notre *Dame, comme s’il
était nécessaire d’être scandalisé par avance en lui-même, de par tant
d’infidélités faites aux lois de son art et de son esprit, de par un grand
nombre d’artistes qui ne sait plus où il a été cueilli. Avez-vous vu toutes les
propositions et projets de ceux-ci ? Il y a en a beaucoup; certains imprègnent
notre civilisation occidentale, la pensée française, et d’autres, non, pas du
tout. Ne soyons pas surpris : tous prennent des risques et espèrent se
sauver entier, par un triomphe peut-être militant, mais en pensant de travers
la mémoire historique de Notre * Dame, pervertissant sa charge émotionnelle et
son parfum de vérité. Il faudrait être un saint pour saluer toutes ces idées
qui laissent deviner la déchéance de Notre * Dame, un abîme sans rachat
possible, une plaie que l’on s’amuse à dévoiler à nos yeux chastes et purs,
profondément amoureux de Notre * Dame sans péchés, à la destinée de son
prochain lumineux, loin des devoirs rigoureux liant le religieux, mais dans un
esprit de liberté noble et beau, en chantier dans chaque corps et âme. L’Homme
est un animal raisonnable, nous en appelons donc à sa raison. Quant à cette
soif de lamentables créations, laissant Notre * Dame méconnaissable, ouverte à
toutes les invasions, c’est à ce sujet qu’on nous impose de nous arrêter un
instant. Ce n’est pas seulement la question de l’exigence de l’art que nous
abordons dans ce papier, mais la défense de la (très) grande sensibilité, le
travail essentiel de Salut, dans la lumière et la joie sans fin. Ainsi, si la
lecture de cet article vous perturbe ou vous choque, s’il est une tentation
contre votre innocence, alors interrompez ici votre lecture. De même, la
littérature est elle aussi un art, elle peut obscurcir dans une âme - si la
conscience est faussée - et toute la vie morale ne tardera pas à en être
bouleversée. C’est pourquoi nous ne pouvons pas faire n’importe quoi avec Notre
* Dame. En éducation, les peuples anciens avaient compris cela et ils savaient
enseigner la vertu aux enfants, avec une impression forte qui se dégage dans
les œuvres d’art. Un homme et son péché portera longtemps les stigmates de son
vice caché, car la réalité historique a la mémoire longue, au risque de donner
à Notre * Dame une image falsifiée. Ainsi, tel un fruit détaché de son arbre,
nous devons garder nos cœurs purs, car l’histoire a bien des pervertis. Une
enquête n’oblige pas à dire le mal et ne changera rien à son visage auguste
(oui, le mal peut captiver) et à la place de l’Homme, des artistes, dans les
travaux en cours, au sens de ses influences, de ses responsabilités, ses
devoirs et ses obligations.
Notre *Dame : je crie ton nom ! C’est aussi comme un
chant pour éloigner les pervers, comme l’Univers soulève l’ombre d’une chimère.
Un Salut pour Notre * Dame, qui a été une Sacrée Gardienne, et qui demeure encore
à nos yeux un Joyau rempli de créatures mille fois plus admirables que les
cieux constellés. La valeur artistique de ce chef-d’œuvre oblige à ne pas
craindre la lumière de la dignité qu’elle incarne toujours ; tout ce qui vit
par elle est l’aveu divin de son Espérance : non, nous ne tomberons pas
dans l’aberration ! Ce serait reconnaître la faiblesse de notre nature et les
suites du péché originel. Ne cherchons-nous pas, quand nous affirmons vouloir reconstruire
à la manière des artistes décalés, à fixer des ailes d’anges sur la bête que
nous sommes tentés de devenir ? Or, Notre*Dame mérite d’être reconstruite dans
toute sa Grâce, sans commune mesure, loin de toutes les profondeurs dont la
déchéance humaine est capable. Sans doute, et sans vouloir se prendre pour des
saints ou des moralistes, nous savons que les abimes de dépravation existent et
que le péché creuse son lit dans les âmes. Assurément magnifique, Notre *Dame ouvrait
tous les yeux, tous les cœurs, et faisait la joie du monde entier ! Maintenant plongée dans les effluves d’un
parfum de fumée, qui penserait à y chercher pâture à ses convoitises ? Notre *
Dame est grave, désormais, très grave. Elle en a perdu son accent et comme
disait Bossuet, ses fortes manières. Nous voilà devant Notre *Dame fragile,
plus que nue, ne faisant pas le poids face aux insultes, incapable de sentir
même le poids de l’eau quand elle en a par-dessus la tête.
N.B. : Nous en appelons à tous les écrivains et à
tous les artistes : puisse la grâce demeurer dans l’œuvre originelle de
Notre *Dame ! Plus précieuse que le
sang des martyrs, les idées folles de création de certains artistes est la
preuve de notre profonde décadence. L’esprit de Notre * Dame est néanmoins fait
de force, de courage, mais pas jusqu’à l’immolation joyeuse afin de rendre
témoignage de la vérité, pour le salut du prochain. Non, l’art sacré n’est pas
habité de cet esprit-là ! La littérature n’est pas le péché; les arts ne sont
pas comme un autre persiflage à la face menteuse des pervers. La ferveur de
Notre * Dame est comme ce chemin de croix unique en son genre, que l’on monte
d’un pas béni, sachant que nous sommes suivis par une petite âme. Elle sera
guérie et elle sera plus sensible encore que tous les merveilleux écrivains et
artistes qui ont perdu le sens des valeurs surnaturelles. Ainsi, la bêtise n’aura
pas d’empire : Notre * Dame n’a que faire des efforts de purification et
d’assainissement des cœurs, car le sien demeure mystérieusement intact. C’est
nous qui, souvent, avons tort de vouloir ouvrir les portes et les fenêtres de
notre demeure intérieure aux plus repoussantes ordures. Une œuvre d’art ne
blesse jamais Dieu, car tout est beauté lorsque nous aimons le beau ; tous les
plaisirs, toutes les bontés, toutes les beautés, c’est ce que nous voulons
cultiver, comme nous savons apprécier ce qui est vrai. Le sentiment du beau, en
effet, se découvre lorsqu’il est constitué par le repos de l’âme dans
l’harmonie. Oui, c’est réellement une fleur d’Amour éternelle.