Le document de consultation du ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) est d’abord et avant tout un document qui fait la promotion des réalisations du PLQ depuis son accession au pouvoir en 2003.
Ce document ne propose malheureusement rien de nouveau. En résumé, il recommande de conserver le modèle existant. C’est le statu quo, la fuite en avant. Comment peut-on en être encore au stage de croire qu’un modèle périmé qui fonctionne bien en-deçà des attentes depuis vingt ans, puisse tout à coup devenir un modèle d’efficacité ?
Le MSSS est un monopole bureaucratique ingérable et ce n’est certainement pas en tolérant du bout des lèvres quelques cliniques privées que les choses vont s’améliorer. Nulle part dans le document de consultation, qui contient pourtant 63 pages, le ministre n’aborde la question de l’inefficacité du système de la santé et des services sociaux. Pourtant, c’est bien là la source de la plupart des problèmes que le ministre promet de régler. Les anecdotes suivantes en témoignent :
- Les infections nosocomiales. Une étude de l’Association médicale canadienne conclue que le clostridium difficile a causé 2 000 décès dans les hôpitaux du Québec en 2003-2004. La plupart de ces décès pouvaient être évités par des mesures d’hygiène élémentaires. Pourtant, le savon ça ne coûte pas cher. Qui a été tenu responsable de cette catastrophe ? Personne, dans un monopole d’État les responsables ça n’existe pas.
- Le tristement célèbre cas de Saint Charles Borromée. Plus d’un an après avoir révélé les pratiques inhumaines du personnel, un article dans cyberpresse déclare : « Un an plus tard le bilan est peu reluisant ». La loi du silence règne en roi et maître. Celui qui ose parler sera immédiatement banni par le syndicat parce qu’il aura manqué de solidarité et par l’administration parce que ça dérange drôlement.
- La fraude coûte des milliards. Une étude de Fraudbox évalue les pertes du système de santé canadien entre 3 et 10 milliards annuellement. Personne ne peut contrôler un système aussi complexe et centralisé que celui du MSSS. C’est un environnement invitant pour les fraudeurs.
- Etc.
L'introduction d'un modèle basé sur les règles d'un marché compétitif est la meilleure façon, sinon la seule, d’améliorer le système de la santé et des services sociaux. La compétition obligera les établissements à agir pour éviter d’être pointés du doigt et pénalisés. Les gestionnaires et les représentants syndicaux devront s’attaquer aux vrais problèmes, sinon ils seront voués à disparaître. Ce phénomène est ce qui ultimement gouverne et stimule la performance individuelle dans les organisations privées qui opèrent dans un marché compétitif. Au contraire, le labyrinthe des systèmes de surveillance et de détermination des objectifs qui caractérise les organisations publiques a plutôt pour effet de démotiver les gestionnaires et les employés. Bien entendu, dans ce nouvel environnement, les établissements publics devront avoir les coudées franches. Je ne doute pas que, soumis aux mêmes règles, ils sauront tirer leurs épingles du jeu.
Pour atteindre cet objectif le ministre doit :
- Appliquer le principe de « l’argent suit le patient ». Ainsi, les Québécois reprendront le contrôle de leur vie et se responsabiliseront vis-à-vis leur santé. La santé est ce qu’il y a de plus précieux et l’individu est de loin mieux placer que quiconque pour décider comment la préserver et comment il veut être soigné le cas échéant.
- Offrir aux Québécois un vrai choix en matière de soins de la santé et des services sociaux. Il est inacceptable que je sois obligé de m’en remettre sans condition à un système dont la logique vise d’abord à satisfaire les priorités syndicales et gouvernementales. Tous les services de la santé et des services sociaux offerts par l’État peuvent très bien être offerts par des entreprises privées. Il suffit de mettre en place un encadrement qui garantit un traitement juste et équitable à tous les établissements.
Le ministre demande que les principes qui constituent les assises du système de la santé et des services sociaux soient :
- L’équité et l’universalité de l’accès aux services. Dans la mesure où les services sont payés par le gouvernement, qu’ils soient fournis par un établissement public ou privé, ce principe est en tout point respecté.
- Le libre choix, pour l’usager, de son médecin et de l’établissement où il désire être traité. Ce principe sera beaucoup mieux respecté si « l’argent suit le patient » et s’il a le choix entre plusieurs établissements publics et privés.
- La réactivité globale du système, soit sa capacité de mieux répondre aux attentes de la population en matière d’accès aux services. La compétition entre le privé et le public est la meilleure garantie que ce principe sera appliqué.
- Le droit des patients d’être traités à l’intérieur de délais acceptables. Un système où les établissements sont en compétition saura trouver des solutions originales et économiques au sempiternel problème des listes d’attente.
- La personnalisation de la prise en charge des patients. Ici je ne doute pas que le privé a une bonne longueur d’avance sur le public.
De plus, pour assurer la pérennité du système de la santé et des services sociaux le ministre propose de mettre l’emphase sur la prévention et l’accroissement de la productivité :
- Mettre l’accent sur la prévention. La prévention est une notion plutôt abstraite qui exige des efforts maintenant mais dont les bénéfices incertains se situent dans un futur imprécis. Pour que la prévention apporte des résultats tangibles il faut lui associer un minimum de conditions plus ou moins contraignantes. Par exemple les campagnes de promotion anti-tabac donnent des résultats positifs en autant qu’en même temps le prix des cigarettes augmentent. En soumettant le système de la santé et des services sociaux au principe de « l’argent suit le patient » il sera beaucoup plus facile, lorsque nécessaire, d’utiliser des mesures coercitives pour supporter les objectifs d’un programme de prévention donné.
- Trouver les moyens d’accroître la productivité dans le réseau et d’assurer un meilleur contrôle des coûts. Une saine compétition entre le public et le privé assurera au système de la santé et des services sociaux des gains de productivité que le monopole d’État a été jusqu’à présent incapable de livrer. Une augmentation annuelle de la productivité de 2%, ce qui est loin d’être exigeant compte tenu du gras accumulé depuis des décennies, assurerait la pérennité financière du système. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à la sous utilisation des équipements et installations, les taux d’absentéisme du personnel, le maintien en place d’employés et de gestionnaires incompétents, etc. Si la productivité du système de la santé et des services sociaux augmentait de 2% par année les coûts croîtraient à un rythme annuel de 3,1% alors que les finances du Québec croîtront au rythme de 3,5%. Ainsi, la pérennité financière du système de la santé et des services sociaux serait assurée.
Je reconnais que cette proposition représente une vraie révolution que le gouvernement jugera inacceptable à un peu plus d’un an des prochaines élections. Pourtant, cette révolution est incontournable pour éviter la détérioration lente mais certaine de notre système de santé. Un tel revirement ne peut se faire rapidement et tout retard compromet d’avantage le bien-être futur de l’ensemble des Québécois.
(Je vous invite aussi à lire ou à relire les textes: La loi de Gammon et La compétition, un outil pour réduire le gaspillage.)