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13 novembre, 2019

La haine de la propriété privée est l’apanage des esclavagistes en herbe

par Ferghane Azihari, 
Jamais une institution n’aura suscité autant de controverses que le droit individuel de propriété. « La propriété, c’est le vol ! », s’écriait Proudhon dans un élan contradictoire, omettant que l’existence d’un vol atteste la présence d’un propriétaire lésé. Sans doute est-ce pourquoi la figure du fédéralisme ouvrier s’est finalement ravisée en proclamant qu’elle est synonyme de liberté.
Moins de deux siècles plus tôt, le philosophe John Locke entrevoyait déjà les liens entre la propriété et les droits fondamentaux de l’être humain. Dans une société libre, la force — publique ou privée — ne saurait avoir d’autre fonction que d’assurer leur protection contre les brigands qui vivent de leur violation.
Le droit individuel de propriété est en effet ce qui distingue l’être affranchi de l’être asservi. Qu’est-ce qu’un esclave, sinon celui qui se voit refuser le droit de posséder sa vie, sa personne ainsi que les fruits de son commerce et de son industrie ? La nature ayant horreur du vide, celui qui n’est pas propriétaire de lui-même est la propriété d’un autre qui revêt alors le costume d’un esclavagiste.
Les premiers féministes ne s’y trompent pas en scandant « mon corps, mon choix ». Ce slogan doit ses effets émancipateurs à la délimitation de la frontière qui distingue le « mien » du « tien », ce qui renvoie encore à la reconnaissance d’un droit de propriété. Les héritiers de Marx devraient donc méditer plus sérieusement sur les conséquences de leur haine du « propriétarisme », réduit à tort à une vulgaire idéologie mercantile.
L’obsession matérialiste qui définit la mentalité socialiste conduit ses adeptes à oublier que la propriété privée est d’abord un rapport d’exclusivité interpersonnel avant de concerner les choses. C’est la libre disposition de soi et la propriété qui font échec aux prétentions des violeurs, des meurtriers et des agresseurs de toute espèce. C’est pourquoi les rédacteurs de notre déclaration révolutionnaire de 1789 notaient dans son préambule que l’ignorance, l’oubli et le mépris des droits de l’homme — qui incluent la propriété — sont « les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».
Monsieur Piketty commet donc un contresens indigne de la culture qu’on attend d’un universitaire lorsqu’il assimile, dans son dernier ouvrage, les compensations offertes aux propriétaires d’esclaves affranchis à des dérives propriétaristes. L’esclavage qui a scandaleusement prévalu dans les pays qui se voulaient avancés jusqu’au XIXe siècle est précisément la plus grave des entorses faites au propriétarisme. Loin de contester le droit de propriété, la lutte abolitionniste a au contraire consisté à cesser de le relativiser pour lui conférer une portée universelle.
C’est donc lorsque les sociétés se mettent à sacraliser la propriété et à condamner la servitude, les exactions et les extorsions, qu’elles peuvent se targuer d’être civilisées. À l’inverse, les pays qui ont tenté de dépasser ces « droits de l’homme égoïste », pour reprendre l’expression de Marx, ont abrité les crimes de masse les plus retentissants de l’histoire de notre espèce. Ce qui devrait inciter notre cher économiste à modérer la nostalgie qu’il semble exprimer vis-à-vis de « l’échec dramatique de l’expérience communiste ». Personne n’utilise un vocabulaire aussi tendancieux pour qualifier le bilan des fascismes qui ont ravagé l’Europe.
La haine de la propriété est donc l’apanage de ceux qui veulent ériger le pillage au rang d’institution pour des motifs divers et variés. Chez Monsieur Piketty, ce pillage est justifié par la prospérité promise aux civilisations qui préfèrent l’égale dépossession à l’inégalité des possédants. Ce révisionnisme décomplexé n’est plus seulement la marque d’une idéologie coincée à l’Est du rideau de fer de la pensée. Il ignore aussi une leçon que même un Jean-Jacques Rousseau prit la peine de retenir dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
L’auteur du contrat social, qui déplorait la tendance de l’homme industrieux à s’éloigner de l’état de nature, remarquait qu’il n’aurait jamais embrassé la folie de la vie laborieuse sans la vile garantie offerte par la propriété privée que personne ne viendrait le dépouiller du fruit de son travail. En conspuant la propriété privée, Rousseau assumait au moins sa volonté de nous replonger dans l’âge des cavernes.

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