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24 août, 2015

L’État est mort, vive l’État ! de Charles Gave

Un ouvrage instructif, sur le social-clientélisme et ses effets, et en même temps plein d’espoir sur ce qui peut théoriquement être fait (mais par qui et dans quels délais ?).

Revue de livre par Johan Rivalland.

C’est toujours un plaisir d’entendre Charles Gave s’exprimer dans les médias. Faute de pouvoir lire un nouvel ouvrage plus récent, puisque l’économiste et entrepreneur explique lui-même que son vrai métier n’est pas d’écrire des livres, revenons-en à l’un de ses ouvrages, le dernier je crois, sorti en 2010, et qui décrit aussi parfaitement ce qu’il s’est passé depuis, qui était parfaitement prévisible donc, de même que ce qui est en train de se dérouler et ce qui va probablement se passer d’ici peu.

Un ouvrage que l’on peut qualifier non pas de visionnaire, mais plus simplement d’avisé. Écrit par un auteur qui ne fait qu’observer et analyser (puis proposer), à partir d’éléments et de statistiques accessibles à tous, la démagogie et les œillères en moins, contrairement à tous ceux qui sont soit impliqués en politique ou dans leurs intérêts propres, soit idéologisés (dans le mauvais sens du terme). Un constat doublé d’une vision d’économiste (dont on sait, et l’auteur ne manque pas de le rappeler lui-même, qu’elles peuvent être multiples).

Les fruits du social-clientélisme

Ce constat repose sur tous les excès que nous vivons depuis près de quarante ans et qui font qu’une génération, celle de 1968 (dont l’auteur dit faire partie) a vécu à la fois sur l’épargne et les économies de la génération qui l’a précédée, et sur le lourd endettement futur qu’elle va laisser aux générations suivantes, qui va nécessiter de très gros sacrifices de leur part. Affligeant.

Comment en est-on arrivés là ? Comment certains ont-ils pu profiter aux dépens des autres ? Telles sont les questions posées par Charles Gave, qui en décortique les fondements. La réponse principale tient dans le fait que la croissance de l’État en France s’assimile plus à un social-clientélisme qu’à la social-démocratie.

L’auteur les définit ainsi :

« Dans la social-démocratie, un dialogue constant a lieu entre parties prenantes (salariés, actionnaires, management, clients) pour trouver de concert la meilleure solution, c’est-à-dire celle qui protège au mieux les intérêts à long terme de chacun. Cela implique que chacun soit prêt à faire des sacrifices à court terme (…).

Dans le social-clientélisme, le but est d’accaparer le pouvoir politique et le monopole de la violence légale qu’il confère, afin de distribuer des avantages non gagnés à ses propres troupes au détriment des autres parties prenantes à la discussion(…) »

Appuyé par des citations évocatrices et bien choisies, dont certaines bien connues des visiteurs de ce site, telle « L’État c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (Frédéric Bastiat), parfois humoristiques comme l’est souvent l’auteur lui-même, à l’instar du « Le capitalisme répartit inégalement la richesse alors que le socialisme répartit la pauvreté équitablement » (Winston Churchill), l’état d’esprit de l’ouvrage est sans concession et montre à quel point la situation est grave. Ainsi, Charles Gave explique que :

« le propos de ce livre est donc d’expliquer que ce qui s’est produit pour l’Union soviétique va frapper notre système politico-économique et pour les mêmes raisons »

Excusez du peu ! Une suite heureuse, en quelque sorte, à L’Union européenne, une nouvelle URSS ? de Vladimir Boukovsky. Cependant, Charles Gave n’accable pas les politiques. Comme il le dit, en citant de nouveau Churchill :

 « Les hommes politiques sont merveilleux, ils finissent toujours par trouver les bonnes solutions, non sans avoir essayé toutes les autres avant, cependant ».

Un jeu à quatre grands acteurs

Et, partant de ce constat assez évocateur de certaines réalités, il nous livre une leçon d’économie stimulante, avec un grand sens de la pédagogie, qui permettra à beaucoup de mieux comprendre ce qui se passe actuellement… et d’avoir une idée de ce qui nous attend, pour ceux qui se posent la question à juste titre (sans oublier son évocation elle aussi très actualité du rôle de l’euro dans tout ceci). Mieux encore, en prolongement de son livre, démarche originale et stimulante, il propose d’actualiser ses analyses et indicateurs à travers un blog […], ce qui permet d’enrichir la réflexion et poursuivre la discussion.

Ainsi, un peu à la manière d’une histoire (ou d’une bande dessinée, nous dit l’auteur), tout repose sur quatre acteurs principaux (l’entrepreneur, le rentier, le banquier et l’État) qu’il commence par nous présenter tour à tour en illustrant leur rôle économique, avant d’en venir au jeu de leurs interactions.

Avec toujours un style parlant, humoristique et le sens de la pédagogie (résumés fréquents de ce qu’il vient d’expliquer) et des citations appropriées, telle cette formule célèbre de Saint-Simon, à propos de l’entrepreneur, tant décrié en France malgré ses mérites :

« Imaginons que les cinquante premiers princes du royaume, les cinquante premiers préfets ou présidents de Cour de cassation, les cinquante premiers pairs du royaume, les cinquante premiers évêques, Monsieur, frère du roi, ainsi que toute la Cour, disparaissent par accident : le peuple en serait fort triste, car il a le cœur bon. Mais si disparaissaient les cinquante plus grands industriels, les cinquante plus grands savants, les cinquante meilleurs artisans, la nation serait détruite ».

Les titres des trois grandes parties de l’ouvrage vous donneront un aperçu de l’esprit qui est le sien et de l’intérêt qu’il peut revêtir du point de vue de la réflexion, pour tout un chacun, économiste ou non :

1) Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’économie sans jamais oser le demander.
2) Le trou noir financier.
3) Faire tomber le Mur de Berlin que nous avons dans nos têtes.

Se réformer ou faire faillite

Avec des chapitres aussi utiles pour ceux qui veulent y voir clair que : « Petite introduction à la dette étatique », « Comment un État fait-il faillite ? », qui permettent de bien mieux comprendre l’économie et la réalité que nous vivons. Et avec un constat accablant, mais hélas inéluctable : lorsqu’un État, comme le nôtre probablement très bientôt, n’a plus la possibilité d’emprunter, il ne reste alors plus que deux solutions : se réformer ou « faire faillite » (l’auteur expliquant au passage en quoi le terme est abusif). Un ouvrage éclairant, instructif, passionnant, que je conseille à tous ceux qui veulent tenter de mieux comprendre la profonde crise actuelle et savoir à quelle sauce (pimentée !) nous allons probablement être mangés…

Charles Gave, L’État est mort, vive l’État ! Pourquoi la faillite qui s’annonce est une bonne nouvelle, François Bourin Éditeur, septembre 2010, 162 pages.




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